Un salarié qui prend acte de la rupture de son contrat doit-il préalablement mettre en demeure son employeur ?
L’ordonnance du 10 février 2016 a profondément modifié le droit des contrats.
A ce titre, le nouvel article 1226 du Code civil impose ainsi désormais la mise en demeure du débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable avant toute résolution unilatérale du contrat, sauf urgence.
Un Conseil de prud’hommes a formulé une demande d’avis à la Cour de cassation, afin de savoir si cette procédure devait s’appliquer au salarié en cas de prise acte de la rupture de son contrat de travail.
La prise d’acte de la rupture étant fondée sur des manquements de l’employeur, ce texte du code civil impliquerait-il finalement que le salarié fasse initialement part de ses griefs à l’employeur et lui demande de régulariser la situation avant de pouvoir prendre acte de la rupture de son contrat de travail si ce dernier ne fait rien ?
Autrement dit, est-ce que le salarié doit nécessairement demander à l’employeur de faire cesser les manquements qu’il lui reproche avant de prendre acte de la rupture de son contrat?
La Cour de cassation répond par la négative et confirme ainsi la spécificité des modes de rupture du contrat de travail :
« Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables. »
Un salarié qui prend acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur n’a donc pas à le mettre préalablement en demeure de régulariser la situation.
Il n’a donc aucune demande à adresser à son employeur avant de procéder à la rupture de son contrat de travail.
Dans ces circonstances, lorsque la gravité des manquements est constatée, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
Cass. soc. 3 avril 2019, avis n° 15003 :
« L’article 1224 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1225 du même code précise les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire.
Aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.
Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.
En conséquence,
LA COUR EST D’AVIS QUE :
L’article 1226 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du10 février 2016, n’est pas applicable au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail. »