Rupture conventionnelle du contrat de travail : comment bien la négocier ?
La rupture conventionnelle est aujourd’hui une option prisée par de nombreux salariés et employeurs en France.
Elle permet de mettre fin à un contrat de travail à l’amiable, sans passer par les tensions d’un licenciement ou les démarches longues d’une démission. Cependant, négocier une rupture conventionnelle demande stratégie et préparation.
Cet article vous guide pour obtenir un accord avantageux tout en évitant les écueils.
La rupture conventionnelle est encadrée par le Code du travail (article L1237-11 et suivants).
Elle repose sur un accord mutuel et prévoit des garanties, comme le droit à l’assurance chômage et une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnelle plus favorable de licenciement.
En revanche, elle ne prévoit pas le paiement d’un préavis rémunéré comme dans le cas d’un licenciement ( hors faute grave ou inaptitude)
Préparer le terrain : l’art de la stratégie
Avant d’entamer la discussion avec votre employeur, évaluez vos besoins et vos atouts et posez-vous les bonnes questions :
- Quelle indemnité souhaitez-vous obtenir ? Comparez avec les indemnités observées dans votre secteur.
- Quels sont vos projets après la rupture (nouvel emploi, formation, pause) ?
- Quels arguments mettre en avant pour convaincre votre employeur (projets personnels, volonté de partir dans de bonnes conditions, éviter un licenciement qui pourrait couter cher à votre employeur du fait de ses manquements au contrat de travail ) ?
Pour réussir, préparez-vous comme un joueur d’échecs anticipe les arguments de votre adversaire. Rassemblez vos informations et soyez clair sur vos objectifs.
Il convient de réfléchir au montant de l’indemnité spécifique de rupture à laquelle vous prétendez en la comparant à celle que prévoit le code du travail ou votre convention collective peut etre plus favorable.
L’employeur n’est pas tenu d’accepter le montant que vous demandez.
Il peut tout à fait consentir à une rupture conventionnelle, mais en se contentant de vous verser le minimum légal prévu par le code du travail ou prévu par la convention collective.
Si vous espérez aller au-delà de ce minimum, il convient de bien préparer vos arguments.
Identifier la façon de présenter vos motivations pour la rupture conventionnelle
Avant d’engager toute discussion, il est essentiel de déterminer les raisons profondes motivant la demande de rupture conventionnelle :
- Opportunité professionnelle plus adaptée
- Absence de perspectives d’évolution
- Divergences stratégiques ou managériales
- Surcharge de travail, pressions managériales ou souffrance au travail
Cette réflexion permet d’aborder la négociation avec conviction et cohérence.
Vous ne serez pas en mesure de négocier le même montant de l’indemnité si vous souhaitez vous réorienter professionnellement sans grief à apposer à votre l’employeur ou si au contraire vous souhaitez quitter l’entreprise parce que vous ne supportez plus la charge de travail ou les pressions de votre manager …
Entamer le dialogue : choisir le bon moment et le bon ton
Contrairement au licenciement ou à la démission, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par aucune des parties. Elle repose sur un accord mutuel entre l’employeur et le salarié, dans le cadre d’une procédure visant à définir les conditions de la séparation tout en garantissant la liberté de consentement de chacun.
Le plus délicat reste donc d’initier la demande…
Lorsque le contexte est conflictuel, la prudence est d’autant plus de mise. En effet, engager une rupture conventionnelle dans un climat tendu exige une vigilance accrue, d’autant que le salarié dispose d’un délai pour se retracter.
La discussion doit se faire dans un climat constructif si cela est possible …
Choisissez un moment propice, par exemple après une réunion positive ou un entretien individuel. Adoptez un ton serein, sans menace ni conflit. L’idée est de construire un pont, pas de dresser une barricade.
Soyez honnête sur vos intentions : expliquez pourquoi cette rupture pourrait être bénéfique pour les deux parties. Vous pouvez aussi mettre en avant les avantages pour l’employeur, comme la simplicité de la procédure et l’économie de temps et d’argent par rapport à un licenciement contentieux.
Les axes de votre réflexion se trouvent autour de ces questions:
Qui ? Si vous pensez que votre employeur peut vouloir votre départ, laissez le d’abord aborder la question, vous négocieriez bien mieux les indemnités supra legales que si c’est vous le salarié qui se trouve à l’initiative de la demande de rupture conventionnelle
Pourquoi ? Déterminer les arguments clés qui justifieront la demande.
Combien ? L’indemnisation doit au minimum être égale à l’indemnité légale de licenciement (article L1237-13 du Code du travail). Si une indemnisation supra-légale est demandée, des arguments solides doivent être avancés.
Quand ? Il est important d’établir un calendrier de départ, en tenant compte du délai de rétractation (15 jours calendaires) et de l’homologation par la DREETS (15 jours ouvrables).
Avec une convocation à un entretien, le délai de procédure est d’environ 1 mois et 7 jours mais la date de départ de l’entreprise peut être décalée en accord avec l’employeur, si par exemple vous attendez la réponse à une demande de prêt immobilier et qu’une inscription au chômage vous ferait prendre la chance d’obtenir votre pret.
Laisser des traces écrites de vos discussions
Le Code du travail ne fixe aucune forme spécifique pour proposer une rupture conventionnelle.
Toutefois, en tant que salarié vous auriez tout intérêt à laisser des traces écrites des discussions sur la rupture conventionnelle une fois le principe acté d’une séparation.
En effet, si un employeur engage une rupture conventionnelle puis finalement opte pour un licenciement ultérieur, celui-ci sera perçu comme très suspect par les juges.
S’il est préférable d’aborder d’abord la rupture conventionnelle oralement, de manière informelle, en s’adressant à la bonne personne, il peut être intéressant quand les discussions avancent d’échanger par écrit pour acter les choses avec l’employeur.
Négocier les termes : viser un accord avantageux pour l’employeur
L’enjeu est de présenter cette solution comme bénéfique pour les deux parties, dans une logique » gagnant-gagnant »
Lors de la négociation, l’indemnité de rupture est souvent au cœur des discussions. Basez-vous sur l’indemnité légale ou conventionnelle plus favorable comme point de départ, mais n’hésitez pas à demander davantage si votre ancienneté, votre investissement dans l’entreprise ou si les manquements de votre employeur le justifient.
Utilisez des comparaisons et prenez en compte le « risque prud’homal » de votre employeur en particulier si vous pouvez lui reprocher des manquements à ses obligations ( épuisement professionnel, forfait jours irrrégulier, non paiement des heures supplémentaires, preuve de harcèlement managérial …)
N’oubliez pas de discuter d’autres éléments : date de fin de contrat, clause de non concurrence, références professionnelles, voire maintien de certains avantages (mutuelle, voiture de fonction).
Mettez en avant les difficultés de votre maintien dans l’entreprise
Si votre situation professionnelle se dégrade (pression, burn-out, conflits…), votre employeur n’a pas intérêt à vous conserver, surtout pour un poste stratégique. Un salarié démotivé peut nuire à l’entreprise, et le coût de son maintien peut inciter l’employeur à préférer une rupture conventionnelle.
L’enjeu est de soulever ces difficultés sans provoquer un licenciement brutal. Une approche stratégique, avec l’aide de votre avocat, peut être déterminante pour aboutir à un départ négocié selon une belle indemnité de rupture conventionnelle.
Sécuriser l’accord : éviter les erreurs courantes et faites vous assister par un Avocat en Droit du Travail !
Ne dites jamais à votre employeur que vous souhaitez quitter l’entreprise sans motif particulier ou pour reflechir à votre avenir professionnel !
Exprimer cette volonté risque de bloquer toute négociation, car l’employeur, sachant votre intention de simplement quitter votre poste n’aura aucun intérêt à financer votre départ via une rupture conventionnelle et vous invitera à démissionner … Mieux vaut aborder la discussion de manière stratégique pour éviter une impasse immédiate.
Une fois l’accord trouvé, il doit être formalisé par un document signé par les deux parties. Ce document CERFA sera transmis à la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) pour homologation. Votre employeur peut vous proposer de signer en plus une convention de rupture conventionnelle qui détermine d’autres points de l’accord intervenu. Assurez-vous que tous les termes sont clairs et conformes à vos attentes.
Attention : ne vous précipitez pas. Prenez le temps de relire le document et, SURTOUT, faites-vous accompagner EN AMONT par un avocat en droit du travail pour vérifier que selon les termes de l’accord vous allez négocier un montant valable en lien avec votre ancienneté ou le risque prud’homal de votre employeur.
En effet, si vous avez très mal négocié le montant de votre indemnité seul avec votre employeur, votre avocat aura toutes les difficultés à reprendre les négociations à la hausse …
Aussi, si vous n’êtes pas à l’aise pour négocier vos indemnités, votre Avocat en Droit du travail lui saura s’y prendre et pourra le faire à votre place … c’est son métier !
Si votre préjudice est important, votre avocat vous conseillera d’autres mécanismes d’indemnisation du préjudice tel que la transaction ou le Procès verbal de conciliation du Conseil de prud’hommes qui peuvent présenter de grands avantages en terme d’économies de charges et cotisations sociales, de défiscalisation de l’indemnité mais aussi et en terme de délai de carence France Travail qui peut être diminué.
Pour aller plus loin sur www.avocat-jalain.fr