L’indemnité contractuelle forfaitaire de départ ou « clause de Golden Parachute » peut elle être révisée par le juge prud’homal ?

Pour les cadres, souvent dirigeant, il arrive que le contrat de travail  ou un avenant  comporte une clause  communément dénommée « clause parachute », prévoyant qu’en cas de survenance d’un événement précis susceptible d’affecter la pérennité de la relation contractuelle  le contrat de travail sera rompu et l’employeur lui versera une somme forfaitaire déterminée par avance entre les parties.

 

Une telle clause  permet  d’un coté à l’employeur de s’attacher durablement les compétences d’un salarié de haut niveau et pour le salarié cette clause est destinée à le sécuriser  jusqu’à le rassurer par la perspective du versement d’un capital dans le cas ou sa Direction changerait d’avis et envisagerait son départ.

 

Il faut bien déterminer la nature de cette clause  car soit cette clause a pour objet de pour sanctionner une inexécution des engagements contractuels — il s’agit de la clause pénale — soit pour sanctionner une résiliation anticipée. En toute hypothèse ces clauses obéissent ainsi à la même logique qui est celle d’indemniser le cocontractant victime, mais elles obéissent à un régime bien différent.

 

la clause pénale se définit comme étant la clause par laquelle les parties évaluent forfaitairement et par avance l’indemnité qui devra être payée par le cocontractant fautif en cas d’inexécution du contrat (Cass. civ. 3ème, 26 janvier 2011, n°10-10376).

 

La clause prévoyant une indemnité de résiliation anticipée ( dite IRA)vient sanctionner la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée et généralement à exécutions successives. Elle ressemble beaucoup à la clause pénale en ce qu’elle fixe à l’avance une indemnité qui sera attribuée au créancier.

Mais alors que la clause pénale indemnise une inexécution du contrat, autrement dit une faute du cocontractant, l’indemnité de résiliation anticipée est étrangère à toute notion d’inexécution.

Cette indemnité de licenciement contractuelle que les Anglo-Saxons appellent joliment « parachute » (permettant une descente en douceur) ou « golden handshake » (une poignée de main en or) est un moyen d’éviter le licenciement ou, pour le moins, d’en limiter le préjudice pour le salarié. Une telle clause est juridiquement parfaitement valable. En effet, si les dispositions de la convention collective (lorsqu’une convention a vocation à s’appliquer à l’entreprise) sont d’ordre public, il est parfaitement loisible aux parties de convenir de clauses différentes dès lors qu’elles sont plus favorables au salarié et les indemnités contractuelles de licenciement ont été, de longue date, admises par la Cour de cassation.

 

Juridiquement, l’indemnité contractuelle de licenciement est une « clause pénale » régie par l’article 1152 du Code civil, c’est-à-dire une clause qui consiste à évaluer par avance forfaitairement le dommage subi par le salarié en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Généralement, les tribunaux reconnaissent ces clauses comme ressortant de la liberté contractuelle. Mais l’article 1152 de Code civil donne au juge le pouvoir de moduler le montant de l’indemnité prévue au contrat en fonction du préjudice subi par le salarié, à la condition toutefois que cette indemnité soit « manifestement excessive ou dérisoire ».(Cassation Social 13 déc.2007 n°06-44.935)

 

Ainsi dans une affaire remarquée sur le sujet , la Cour d’appel, procédant à l’ interprétation d’une clause d’un contrat prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire de trois années de salaire annuel net en cas de départ d’un salarié à l’initiative de l’employeur a considéré qu’elle constituait une clause pénale.

 

En l’espece, les parties avaient convenu  dans le contrat que : « Quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, sauf démission non équivoque de la salariée, la société GDP Vendôme s’engage à verser à la fin du contrat de travail à Mme H… J…, une indemnité forfaitisée à trois années de salaire annuel net moyen. Le salaire annuel net moyen correspond à la moyenne de tous salaires nets et accessoires perçus les trois années précédant la rupture. Il est expressément convenu que cette indemnité qui tient compte notamment des investissements, particulièrement en termes de compétence et de crédibilité, consentie par Mme J… H… au profit de GDP Vendôme, revêt une finalité strictement indemnitaire et ne constitue par une clause pénale. Par conséquent, les parties reconnaissent que l’indemnité susvisée est insusceptible de révision en vertu de l’article 1152 du code civil ou de tout article qui viendrait lui substituer postérieurement à la signature du contrat ».

 

Elle en  a réduit drastiquement  le montant qu’elle juge manifestement excessif au regard du préjudice subi.

 

La Cour de cassation considère que cette clause avait pour objet de conférer à la salariée une garantie de sécurité dans son emploi et de sanctionner l’employeur en cas de rupture du contrat, si bien que la  Cour d’appel a pu décider qu’elle constituait une clause pénale.

 

Il  donc recommandé aux cadres dirigeants de négocier une indemnité de départ qui soit raisonnable sans être excessive, faute de quoi,  le juge pourrait quasiment annuler ses effets juridiques !

 

Cass. Soc. 4 mars 2020, n° 18-20.531