Les seules pertes d’exploitation suffisent-elles à justifier un licenciement économique ?

Les seules pertes d’exploitation suffisent-elles à justifier un licenciement économique ?

 

L’article L. 1233-3 du Code du travail définit le licenciement économique comme étant « le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail […] ».

 

Le texte précise que ces suppressions ou transformations peuvent être consécutives notamment à « A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée «  dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus
. »

 

Dans la présente affaire, une salariée a été licenciée pour motif économique.

 

la lettre de licenciement invoquait les difficultés économiques du groupe se traduisant par des résultats d’exploitation déficitaires depuis trois années, compromettant la compétitivité et la capacité de l’entreprise à maintenir et développer ses activités.

 

L’employeur faisait état dans la lettre d’un tableau laissant apparaitre que, malgré la hausse du chiffre d’affaires, le secteur d’activité en cause présentait des pertes en 2015, 2016 et 2017.

 

La salariée contestait son licenciement.

 

La cour d’appel de Lyon, dans sa décision du 8 avril 2022 (n° 19/04474), considérait que le motif économique fondant le licenciement était valable en ce que le motif visé est bien prévu par l’article L. 1233-3 du Code du travail et ainsi que la lettre de licenciement est suffisamment motivée.

 

La Cour de cassation, dans sa décision du 18 octobre 2023, censure le raisonnement de la cour d’appel.

 

La Cour de cassation juge que doit être censuré l’arrêt qui, pour dire fondé sur une cause réelle et sérieuse un licenciement pour motif économique, retient que l’employeur produit un tableau faisant apparaître, s’agissant du secteur d’activité en cause, l’existence, nonobstant un chiffre d’affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017 et en déduit que les difficultés sont avérées, sans rechercher si l’évolution de l’indicateur économique retenu était significative, les motifs retenus étant insuffisants pour caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d’exploitation dans le secteur d’activité considéré.

 

Il revient au juge de « caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d’exploitation dans le secteur d’activité considéré », en recherchant « si l’évolution de l’indicateur économique retenu était significative ».

 

Cet arrêt marque de nouveau la vigilance particulière de la Cour de cassation dans le contrôle du motif économique des licenciements et des indicateurs listés à l’article L. 1233-3 du Code du travail

 

 

Soc., 18 oct. 2023, n° 22-18.852

https://www.courdecassation.fr/decision/652f769db0532083189957ec

 

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