Les précisions du médecin du travail sur l’impossibilité d’un reclassement dans l’entreprise n’entrainent pas une dispense de l’obligation de reclassement au sein du groupe

Les précisions du médecin du travail sur l’impossibilité d’un reclassement dans l’entreprise n’entrainent pas une dispense de l’obligation de reclassement au sein du groupe

 

Plusieurs questions sont nées autour de l’application et de l’interprétation du nouvel article L. 1226-2-1 du Code du travail, lequel prévoit que le médecin du travail peut dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement si son avis contient expressément l’une des deux mentions suivantes : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

 

L’article L. 1226-2-1 du Code du travail dispose en effet que :

 

« Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

 

En vertu de cet article, le médecin du travail a la possibilité de dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement si son avis contient expressément soit le fait que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » soit le fait que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

 

La Cour de cassation a déjà rendu plusieurs arrêts en 2022 dans lesquels elle a jugé que lorsque l’une des deux mentions précitées figurent dans l’avis médical, l’employeur n’est pas tenu de consulter les représentants du personnel sur le reclassement.

(Cass, Soc, 6 novembre 2022 ; Cass, Soc, 8 juin 2022, n°20-22.500)

 

En l’espèce, et en application du formulaire antérieur d’inaptitude, un salarié est déclaré inapte par un avis du médecin du travail rédigé comme suit :
« Inapte. Étude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l’employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

 

L’employeur a licencié le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

 

La Cour d’appel d’Amiens (CA Amiens, 6 janvier 2022, n°20/06131) juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Elle évoque notamment le fait que l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et non pas que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

 

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en soutenant être dans l’impossibilité de reclasser le salarié en raison de la rédaction de l’avis du médecin du travail.

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation approuve le raisonnement de la Cour d’appel et juge que l’employeur n’était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel.

 

L’employeur avait donc manqué à son obligation de reclassement, emportant le rejet du pourvoi. Cette interprétation stricte de l’article invite les employeurs à la plus grande vigilance dans la mise en œuvre des procédures de licenciement pour inaptitude.

 

Il résulte donc de l’article L. 1226-2-1 du Code du travail que l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

 

Cette décision rappelle que les employeurs ont tout intérêt à faire preuve de vigilance dans le cadre des procédures d’inaptitude avec la possibilité de demander au médecin du travail des précisions sur son avis.

 

En effet, dès lors que le médecin du travail rédigera un avis au titre d’un éventuel reclassement, l’employeur sera lié à cet avis.

 

Cass, Soc, 13 septembre 2023, n°22-12.970

 

Pour aller plus loin :

 

https://www.avocat-jalain.fr/avis-dinaptitude-point-de-depart-de-sa-contestation/

 

 

https://www.avocat-jalain.fr/inaptitude-au-poste-lemployeur-a-t-il-lobligation-de-notifier-au-salarie-inapte-les-motifs-qui-sopposent-au-reclassement-3/