La question de la résiliation judiciaire du contrat de travail fondée sur l’absence de visite médicale de reprise

Le salarié qui exerce une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve d’un ou plusieurs manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation à ses torts (cass. soc. 15 mars 2005, n° 03-42070, BC V n° 91).

Dans l’affaire jugée le 26 mars 2014, un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, notamment pour ne pas avoir bénéficié d’une visite médicale de reprise à son retour de congé maladie, ce qui constituait selon lui un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

En effet, à l’époque des faits, tout salarié devait bénéficier d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d’au moins 21 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel (c. trav. art. R. 4624-21 ancien).

Sa demande a été rejetée. Les juges, approuvés par la Cour de cassation, ont relevé deux points :

-d’une part, que l’absence de visite médicale de reprise procédait d’une erreur des services administratifs de l’employeur qui n’avait pas été commise lors des précédents arrêts de travail ;

-d’autre part, que cela n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois.

Le défaut de visite médicale de reprise ne constitue donc pas, en lui-même, un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Tout sera donc affaire de circonstances. Les juges ont ici tenu compte des circonstances ayant conduit à l’absence de visite médicale de reprise et de ses conséquences sur l’exécution du contrat de travail.

Notons que cet arrêt ne remet pas en cause le principe selon lequel l’employeur qui n’organise pas la visite de reprise cause nécessairement un préjudice au salarié concerné, préjudice qui justifie des dommages-intérêts (cass. soc. 13 décembre 2006, n° 05-44580, BC V n° 373).

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Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-35040 FPPB

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 26 octobre 2012), que M. X… a été engagé le 29 novembre 2006 par la société Armatis centre en qualité de téléacteur ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en annulation d’une mise à pied disciplinaire qui lui avait été notifiée le 14 septembre 2010 et en résiliation de son contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié, pris en ses trois premières branches et sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur :


Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l’admission des pourvois ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié, pris en ses cinq dernières branches :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et de ses demandes subséquentes, alors, selon le moyen :


1°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne pouvait dès lors, sous l’empire des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’à défaut, l’employeur commettait un manquement grave à ses obligations, qui, à lui seul, justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ; qu’en déboutant, dès lors, M. X… de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la société Armatis centre aux torts de cette dernière et, en conséquence, de ses demandes tendant à la condamnation de la société Armatis centre à lui payer diverses sommes, quand elle relevait que la société Armatis centre n’avait pas fait bénéficier, au mois de mars 2010, lors de son retour au travail, après une période d’au moins huit jours pour cause de maladie, M. X… d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 4121-1, R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, ensemble les dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;


2°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne pouvait, dès lors, sous l’empire des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’il incombait à l’employeur de prendre l’initiative de cette visite médicale et de convoquer le salarié par tous moyens ; qu’en énonçant, dès lors, pour débouter M. X… de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la société Armatis centre aux torts de cette dernière et, en conséquence, de ses demandes tendant à la condamnation de la société Armatis centre à lui payer diverses sommes, après avoir relevé que la société Armatis centre n’avait pas fait bénéficier, au mois de mars 2010, lors de son retour au travail, après une période d’au moins huit jours pour cause de maladie, M. X… d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, que M. X… pouvait lui-même solliciter un tel examen médical soit auprès de l’employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant l’employeur de cette demande et que M. X… n’avait pas usé de cette faculté, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 4121-1, R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, ensemble les dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;

3°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne pouvait, dès lors, sous l’empire des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; que seul l’examen pratiqué par le médecin du travail en application des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4622 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause, mettait fin à la suspension du contrat de travail ; qu’en énonçant, dès lors, pour débouter M. X… de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la société Armatis centre aux torts de cette dernière et, en conséquence, de ses demandes tendant à la condamnation de la société Armatis centre à lui payer diverses sommes, après avoir relevé que la société Armatis centre n’avait pas fait bénéficier, au mois de mars 2010, lors de son retour au travail, après une période d’au moins huit jours pour cause de maladie, M. X… d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, qu’un tel examen médical avait bien eu lieu lors des précédents arrêts de travail de M. X… pour cause de maladie, quand cette circonstance était indifférente, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 4121-1, R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, ensemble les dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;


4°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne pouvait, dès lors, sous l’empire des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; que seul l’examen pratiqué par le médecin du travail en application des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4622 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause, mettait fin à la suspension du contrat de travail ; qu’en énonçant, dès lors, pour débouter M. X… de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la société Armatis centre aux torts de cette dernière et, en conséquence, de ses demandes tendant à la condamnation de la société Armatis centre à lui payer diverses sommes, après avoir relevé que la société Armatis centre n’avait pas fait bénéficier, au mois de mars 2010, lors de son retour au travail, après une période d’au moins huit jours pour cause de maladie, M. X… d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, que ce manquement n’avait pas fait obstacle à la poursuite de la relation de travail qui s’était poursuivie pendant plusieurs mois, quand, en l’absence d’un tel examen médical, la suspension du contrat de travail n’avait pas pris fin, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 4121-1, R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, ensemble les dispositions des articles 1134 et 1184 du code civil ;


5°/ que, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne pouvait, dès lors, sous l’empire des dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause, laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’il incombait à l’employeur de prendre l’initiative de cette visite médicale et de convoquer le salarié par tous moyens ; que le non-respect par l’employeur de ses obligations relatives à la visite médicale causait nécessairement au salarié un préjudice ; qu’en déboutant, dès lors, M. X… de ses demandes tendant à la condamnation de la société Armatis centre à lui payer des dommages-intérêts, quand elle relevait que la société Armatis centre n’avait pas fait bénéficier, au mois de mars 2010, lors de son retour au travail, après une période d’au moins huit jours pour cause de maladie, M. X… d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 4121-1, R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 janvier 2012, qui est applicable à la cause ;


Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que l’absence de visite médicale de reprise procédait d’une erreur des services administratifs de l’employeur qui n’avait pas été commise lors des précédents arrêts de travail et qu’elle n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois, a légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;