L’indemnisation des préjudices du salarié après un accident de travail

La victime d’un accident du travail peut obtenir une indemnisation pour les préjudices qu’elle a subi du fait de l’accident.

 

Le principe d’une indemnisation forfaitaire

 

Si la victime d’un accident du travail conserve des séquelles après la consolidation de ses blessures, elle a le droit à une indemnité versée sous forme de capital ou de rente, en fonction du taux d’incapacité permanente fixée par le médecin conseil de la sécurité sociale :

 

  • si le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10%, la victime percevra une indemnisation en une fois, sous forme de capital,

 

  • si le taux d’incapacité permanente est supérieur à 10%, la victime percevra une rente.

 

Si l’assuré décède, une rente pourra être versée à ses ayants droit.

 

L’indemnisation versée par la sécurité sociale a pour objet de réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité.

 

Ce système d’indemnisation par la sécurité sociale est forfaitaire, c’est-à-dire que le montant de l’indemnité est fixé selon un barème, en fonction du taux d’incapacité permanente.

 

Le principe d’indemnisation forfaitaire empêche la victime d’un accident de travail d’agir en justice contre son employeur pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

 

La majoration de l’indemnisation en cas de faute inexcusable de l’employeur

 

Cependant, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L.452-1 et suivants du Code de sécurité sociale.

 

La faute inexcusable est définie comme le manquement grave de l’employeur à son obligation légale de sécurité à laquelle il est tenu envers son salarié.

 

Ce manquement à l’obligation de sécurité a le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. 2ème civ., 8 octobre 2020, 18-26.677, Publié au bulletin).

 

C’est au salarié victime ou à ses ayants droit de prouver que l’accident a été causé par la faute inexcusable de l’employeur.

 

Lorsque la faute inexcusable est reconnue par l’employeur ou par le juge, le capital ou la rente versée à la victime est majorée.

 

La réparation des autres préjudices non couverts par la rente

 

Indépendamment de la majoration du capital ou de la rente, la victime peut demander la réparation des préjudices énoncés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale :

  • un préjudice causé par les souffrances physiques et morales qu’elle a endurées,
  • un préjudice esthétique,
  • un préjudice d’agrément (préjudice lié à l’impossibilité d’exercer des activités de loisir qu’elle faisait avant l’accident),
  • un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

 

Le Conseil constitutionnel considère que cette liste n’est pas exhaustive c’est-à-dire qu’il est possible de demander la réparation d’autres préjudices que ceux mentionnés dans cette liste (décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010).

 

Par exemple, la jurisprudence considère que la victime d’un accident du travail, causé par la faute inexcusable de son employeur, peut également demander la réparation :

 

  • de son déficit fonctionnel temporaire (qui permet d’indemniser les difficultés motrices de la victime jusqu’à la date de consolidation de son état de santé)
  • de son préjudice sexuel,
  • les frais d’aménagement de son domicile,
  • l’assistance d’une tierce personne pour les tâches quotidiennes (toilette, ménage, cuisine, jardinage, …).

 

En soit, la victime peut demander la réparation des préjudices qui ne sont pas réparés par le livre IV du Code de sécurité sociale, c’est-à-dire qui ne sont pas pris en compte dans la rente ou le capital.

 

L’indemnisation de ces préjudices n’est pas automatique : la victime doit justifier chaque préjudice.

 

La Cour de cassation a très récemment effectué un revirement de jurisprudence en considérant que la rente versée à la victime d’un accident du travail ne réparait pas le déficit fonctionnel permanent (Cass. Assemblée plénière, 20 janvier 2023, n° 20-23.673).

 

Le déficit fonctionnel permanent est défini par le rapport Dintilhac comme les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans ses conditions d’existence après la consolidation de son état de santé.

 

Jusqu’à cette décision, la jurisprudence considérait que la rente, versée compter de la consolidation de l’état de santé de la victime, couvrait :

  • d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité,
  • et d’autre part, le déficit fonctionnel permanent.

 

Ce n’est plus le cas depuis cette decision du 20 janvier 2023 :

la victime d’un accident du travail, dont le taux d’incapacité est supérieur à 10%, a le droit à une rente qui indemnise les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et elle peut demander en plus à l’employeur une indemnisation pour la perte de qualité de vie et les difficultés dans ses conditions d’existence (le déficit fonctionnel permanent.

 

 

Cette décision ouvre la possibilité aux victimes d’accident du travail d’obtenir une plus juste indemnisation de leur préjudice en comparaison avec les autres regimes de responsabilité civile.

 

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