Harcèlement moral : l’employeur doit répondre des faits des personnes qui exercent sous son autorité
Embauchée en qualité de responsable de restauration rapide, une salariée est licenciée pour insuffisance professionnelle.
Contestant cette décision, et estimant avoir été victime d’un harcèlement moral elle saisi de ce fait la juridiction prud’homale.
En l’espèce, elle se disait victime d’agissements de la part, non pas d’un salarié de la société, mais d’un tiers représentant une entreprise ayant passé un contrat de licence avec l’employeur.
Elle faisait valoir qu’elle avait été mise à l’écart, n’avait pas été conviée à la réunion où une réorganisation des activités avait été décidée, et que ce tiers avait déclaré ne plus vouloir d’elle comme collaboratrice, son image ne correspondant pas à celle qu’il souhaitait donner de l’enseigne.
En l’absence de lien hiérarchique, les juges du fond avaient rejeté la demande de cette salariée.
Cette analyse est censurée par la Cour de cassation, qui relève dans un arrêt du 1er mars 2011 que le tiers désigné comme l’auteur des faits de harcèlement moral était chargé par l’employeur de mettre en place de nouveaux outils de gestion, devait former la responsable du restaurant et son équipe et pouvait dès lors exercer une autorité de fait sur les salariés.
Ainsi en matière de harcèlement moral, l’employeur doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés, l’absence de faute de sa part ne pouvant l’exonérer de sa responsabilité.
Cour de cassation
chambre sociale
1 mars 2011
N° de pourvoi: 09-69616
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… engagée le 14 mai 2005 en qualité de responsable de restauration rapide par la société Les Restaurants du Pont du Gard, a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 8 novembre 2005 ; que contestant cette décision et estimant avoir été victime d’un harcèlement moral la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1154-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;
Attendu, d’abord, que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité ; qu’il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ;
Attendu, ensuite, que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée, l’arrêt retient que le harcèlement moral ne peut résulter de contraintes de gestion ni du pouvoir d’organisation et de direction de l’employeur et que l’auteur désigné du harcèlement n’était pas employé par la société mais représentait le propriétaire de la marque « Les Cuisiniers Vignerons » ayant passé un contrat de licence avec l’employeur et qu’il n’avait aucun lien hiérarchique ni n’exerçait aucun pouvoir disciplinaire sur la salariée ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le tiers désigné comme l’auteur des faits de harcèlement moral était chargé par l’employeur de mettre en place de nouveaux outils de gestion, devait former la responsable du restaurant et son équipe et pouvait dès lors exercer une autorité de fait sur les salariés, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;