Fonder sa prise d’acte sur des manquements récents
Fonder sa prise d’acte sur des manquements récents
Le salarié qui constate l’existence de manquements graves commis par son employeur peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Celle-ci sera alors requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul dans certains cas) si les griefs invoqués sont suffisamment graves pour la justifier (cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-42679, BC V n° 209 ; cass. soc. 16 novembre 2004, n° 02-46048, BC V n° 287) et rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle (cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236, BC V n° 80).
Par un arrêt du 26 mars 2014, la Cour de cassation jugeait que les manquements invoqués étant anciens et le contrat de travail s’étant poursuivi malgré tout durant plusieurs mois, il convient d’en conclure que les manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ne rendaient pas impossible la poursuite de l’exécution du contrat si bien que la prise d’acte pourrait être requalifiée en démission….
Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-23634 FPPB
« (…) LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé le 1er juillet 2001 par la société Home expertise center en qualité de responsable informatique, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 août 2006 et a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de dire que la prise d’acte est une démission et de le débouter de ses demandes d’indemnités de rupture alors, selon le moyen :
1°/ qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié l’effectivité de son droit à congé lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d’accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n’est qu’éventuelle ou occasionnelle ; qu’en l’espèce, pour dire que la prise d’acte de la rupture par M. X…produit les effets d’une démission, la cour considère en substance que le salarié qui est contraint de prendre des congés de courtes durées, d’être toujours joignable et qui est appelé presque à chaque vacance sur son téléphone portable pour des questions liées au système informatique de l’entreprise est seulement soumis à des « tracas » qui pèsent sur l’organisation et le déroulement de ses congés, « tracas » qui ne peuvent justifier la rupture aux torts de l’employeur ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel viole l’article L. 1231-1 du code du travail et l’article L. 1231-1 du même code interprété à la lumière de la directive 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, modifiée par la directive 2003/ 34/ CE du 22 juin 2000 et remplacée, à compter du 2 août 2004, par la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
2°/ que selon l’article L. 6323-7 du code du travail, l’employeur informe chaque salarié par écrit annuellement du total des droits acquis au titre du droit individuel à la formation ; qu’en l’espèce, pour dire que l’employeur n’a pas manqué à ses obligations s’agissant du droit individuel à la formation et dire ainsi que la rupture produit les effets d’une démission, la cour d’appel retient que la mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l’initiative du salarié et que M. X…n’a formulé aucune demande à ce titre ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la société Home expertise center avait satisfait à son obligation d’informer annuellement le salarié de ses droits dans ce domaine, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l’article précité ;
3°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité et les examens médicaux d’embauche, périodiques et de reprise du travail auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité ; qu’en l’espèce, tout en constatant que l’employeur n’a rempli en la matière ses obligations ni lors de l’embauche du salarié ni pendant les trois années qui ont suivi, la cour d’appel retient que le salarié ne peut se prévaloir utilement d’un tel manquement ; qu’en statuant ainsi, la cour ne tire pas les conséquences légales de ses constatations et viole les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ensemble les articles R. 4624-10 et suivants du même code ;
Mais attendu que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a retenu que les manquements de l’employeur étaient pour la plupart anciens, faisant ainsi ressortir qu’ils n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;
(…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de sa demande portant sur un solde de congés payés et en ce qu’il limite à la somme de 1 500 euros la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l’arrêt rendu le 6 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ; (…) »
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