Contestation du licenciement pour inaptitude apres accident professionnel : quel est le juge compétent ?
Jusqu’àlors la cour de cassation avait précisé que si le juge prud’homal est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, en revanche, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc. 29-5-2013 n° 11-20.074 )
Dans cette nouvelle affaire, les salariés licenciés pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement, ne demandaient pas l’obtention de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice résultant de l’accident du travail ou du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Les actions avaient pour objet de faire reconnaître l’absence de cause réelle et sérieuse de leur licenciement en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité et d’obtenir, à ce titre, sa condamnation à des dommages-intérêts.
Dans son premier arret, la Cour de cassation approuve l’arrêt du juge d’appel d’agen ayant considéré le juge prud’homal compétent pour statuer sur la demande du salarié et ayant rejeté l’exception d’incompétence formée par l’employeur au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Elle censure en revanche l’arrêt de la cour d’appel de Caen qui avait refusé d’examiner la demande du salarié après avoir estimé qu’elle tendait à la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail et relevant de ce fait de la compétence de la juridiction de sécurité sociale.
De ce fait la cour de cassation, tout en rappelant que l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, précise que la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La chambre entend ainsi rappeler que même lorsque le salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître de l’application des règles relatives à la rupture du contrat de travail.
Ces décisions ne remettent cependant pas en cause les principes gouvernant la réparation des risques professionnels.
A cet égard, la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent.
En conséquence, la perte tant de l’emploi que des droits à la retraite, même consécutive à un licenciement pour inaptitude, est réparée par l’application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale (Ch. mixte., 9 janvier 2015, pourvoi n° 13-12.310, Bull. 2015, Ch. mixte, n° 1 ; Soc., 6 octobre 2015, pourvoi n° 13-26.052, Bull. 2015, V, n° 187).
Il s’en déduit notamment que même sur le fondement des dispositions de l’article L. 1226-15 du code du travail, le juge prud’homal ne peut indemniser la perte des droits à la retraite consécutive à un accident du travail, laquelle est réparée par la rente prévue au titre du livre IV (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 14-20.214).
L’indemnisation allouée par la juridiction prud’homale est donc circonscrite aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail. En d’autres termes, il appartient au juge prud’homal de faire application des sanctions prévues dans ces hypothèses par le code du travail.
En second lieu, la chambre sociale juge qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
En effet, dans une telle hypothèse, le licenciement, même s’il est fondé une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l’employeur. Si cette solution n’est pas nouvelle (Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-14.742, Bull. 2012, V, n° 236), elle est désormais affirmée avec netteté par la chambre sociale et doit être reliée au principe selon lequel il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement (Soc., 10 avril 1996, pourvoi n° 93-41.755, Bulletin 1996 V n° 149).
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Arrêt n° 649 du 3 mai 2018 (17-10.306)