Le salarié qui a refusé un changement de ses conditions de travail, peut-il être privé d’indemnité de préavis ?

 

La Cour de cassation est venue préciser les conséquences  d’un refus de réalisation du préavis par le salarié en raison du changement de ses conditions de travail.

 

En l’espèce, un salarié, médecin travaillant pour une association  est informé d’un changement de lieu de travail en raison d’une réorganisation de l’association.

 

Son poste devait être partagé sur deux sites, distants de 17 km alors qu’en revanche son temps de travail et rémunération sont restés inchangés.

 

Le salarié considerait  ce changement comme une modification de son contrat de travail  soumise à son accord et refusait de se rendre sur le nouveau site.

 

L’employeur licencait le salarié  pour faute grave. Licenciement contesté devant les Tribunaux.

 

La Cour de cassation dans un arrêt du 23 octobre 2024 précise que le salarié qui refuse un simple changement de ses conditions de travail peut être licencié pour faute simple et non pour faute grave si bien qu’un préavis doit être réalisé.

 

Dans ce cas, l’employeur peut exiger que le préavis, s’il est dû, soit réalisé aux nouvelles conditions de travail.

 

Le salarié s’il refuse les nouvelles conditions de travail  sera privé d’indemnité de préavis.

 

Un simple changement des conditions de travail peut être imposé au salarie  en préavis.

 

La Cour de cassation, dans cet arrêt approuve la décision de la cour d’appel en précisant que la nouvelle affectation du salarié ne constituait pas une modification de son contrat, mais un simple changement de ses conditions de travail.

 

Les juges du fond ont relevé qu’au regard des stipulations du contrat de travail, l’affectation du salarié sur le premier site n’était pas exclusive, et que sa nouvelle affectation se situait dans le même secteur géographique ce qui prouve que le contrat de travail n’était donc pas modifié (voir en ce sens Cass. soc. 3-5-2006 no 04-41.880 F-PB).

 

Le refus de ce changement, sans motif légitime, est fautif (en ce sens Cass. soc. 10-10-2000 no 98-41.358 FS-PB).

Mais la faute grave retenue par l’employeur est requalifiée en faute simple : le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation ne constituait pas, à lui seul, un manquement à ses obligations d’une importance telle qu’il aurait rendu impossible son maintien dans l’entreprise.

 

Le refus du salarie d’accepter les nouvelles conditions de travail pendant la période de préavis 

 

Si les constatations de la Cour d’appel étaient correctes, les conclusions qu’elle en a tirées étaient erronées.

 

Les juges du fond, après avoir requalifié la faute grave en faute simple, avaient en effet condamné l’employeur à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés dus.

 

Or, comme le rappelle la Cour de cassation, l’employeur peut imposer au salarié licencié pour avoir refusé un changement de ses conditions de travail d’exécuter son préavis aux nouvelles conditions.

 

Par conséquent, le salarié qui refuse à l’employeur cette modification est responsable de l’inexécution de ce préavis, et ne peut prétendre a aucune indemnité compensatrice.

 

La solution s’applique même dans le cas où, comme en l’espèce, la faute grave prononcée par l’employeur a été requalifiée en faute simple par les juges ( Dans le même sens Cass. soc. 4-3-2020 no 18-10.636 FS-PB).

 

Cass. soc. 24-10-2024 n° 22-22.917 F-D, Association Essor c/ E.

 

Argumentation de la Cour de cassation

 

« Réponse de la Cour

 

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :

 

  1. Il résulte de ces textes que le refus du salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d’un simple changement de ses conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction rend l’intéressé responsable de l’inexécution du préavis qu’il refuse d’exécuter aux nouvelles conditions et le prive des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents.

 

  1. Pour condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi qu’une indemnité conventionnelle de licenciement, l’arrêt, après avoir retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, relève que selon l’article 9 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la période d’essai, le délai-congé ainsi que l’indemnité de licenciement sont déterminés par les dispositions de la convention collective nationale relative aux cadres de direction et que le salarié est ainsi bien fondé en sa demande d’indemnité compensatrice à hauteur de six mois de salaire, outre les congés payés afférents.

 

  1. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait refusé sans motif légitime de rejoindre sa nouvelle affectation qui constituait une simple modification de ses conditions de travail et que son refus du changement de ses conditions de travail était fautif même s’il ne constituait pas à lui seul un manquement à ses obligations d’une importance telle qu’il rendait immédiatement impossible son maintien dans l’entreprise, ce dont il résultait que, quand bien même la faute grave était écartée, l’intéressé était responsable de l’inexécution du préavis qu’il refusait d’exécuter aux nouvelles conditions, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

  1. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

 

  1. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

 

  1. Il convient, d’une part, de débouter le salarié de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et, d’autre part, de condamner l’employeur à lui payer une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 17 812,62 euros, sur la base d’un salaire moyen au cours des trois derniers mois de 1 899 euros et d’une ancienneté de 9,38 mois.

 

  1. La cassation des chefs de dispositif condamnant l’employeur à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement n’emporte pas celle des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par la disqualification de la faute grave en cause réelle et sérieuse.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne l’association L’Essor à payer à M. [E] les sommes de 11 434,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 143,46 euros au titre des congés payés afférents et 18 829,11 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, l’arrêt rendu le 13 octobre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles »