SALARIES ITINERANTS ET TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF

L’article L 3121-4 du Code du travail dispose que :

 

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. »

 

Il était donc de jurisprudence constante en adéquation avec les règles légales que le temps de trajet entre le domicile d’un salarié itinérant et le lieu de travail assigné par l’employeur ne constituait pas un temps de travail effectif et ne pouvait donc donner lieu qu’à contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Cass. soc., 30 mai 2018, no 16-20.634)

 

Cependant, la question du temps de travail effectif des salariés itinérants a fait l’objet de nombreuses décisions au niveau Européen.

 

Il en est ainsi d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 10 septembre 2015 aff. C266/14, Tyco qui mentionne que :

 

« L’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du “temps de travail”, au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par l’employeur. »

 

Pendant plusieurs années, la jurisprudence nationale a continué à faire de la résistance face aux décisions Européennes et à considérer que cette question de la requalification du temps de déplacement en temps de travail effectif des salariés itinérants relevait des dispositions du droit national.

 

Néanmoins, dans un arrêt en date du 23 novembre 2022 n°20-21.924, la chambre sociale a opéré un véritablement revirement de jurisprudence en considérant que le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut, dans certains cas, être pris en compte au titre des heures supplémentaires.

 

Elle apporte tout de même une précision afin de bénéficier de cette solution ; la qualification du temps de déplacement dépendra essentiellement, au cas par cas, de l’appréciation de la définition de l’article L. 3121-1 du Code du travail et donc du degré de latitude laissé au salarié pendant ces temps.

 

Cette nouvelle décision qui prend compte du Droit de l’Union Européenne est dans la même lignée que celles relatives à la requalification des périodes d’astreintes qui peuvent être requalifiées en temps de travail effectif en fonction du degré de dépendance et des contraintes imposées par l’employeur. (Cass. soc., 26 oct. 2022, no 21-14.178)