Accident du travail : quel sort pour l’accident survenu hors du temps et lieu de travail ?
Le 6 juillet 2017 la chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser que le temps nécessité par les visites médicales périodiques est assimilé à du temps de travail. Qu’à ce titre, tout accident d’un salarié pendant une visite médicale périodique est donc présumé être survenu à l’occasion du travail.
Pour rappel, en vertu de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale :
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
Dans ce cas, le caractère professionnel de l’accident est reconnu d’office, c’est ce qu’on appelle la présomption d’imputabilité.
Ainsi le principe est que tout accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause, est considéré comme un accident du travail.
A contrario, la présomption d’imputabilité n’a plus vocation à jouer dans plusieurs hypothèses :
- L’accident survient hors temps de travail et hors lieu de travail ;
- Le salarié n’est plus sous l’autorité de son employeur ;
- L’accident est dû à une cause étrangère au travail (état pathologique préexistant par exemple…).
Dans ces cas, le salarié ne bénéficiera plus de la présomption d’imputabilité, mais la qualification d’accident du travail n’est pas exclue pour autant. Le salarié devra alors apporter la preuve, lui-même, que l’accident dont il a été victime est survenu « par le fait du travail » .
En effet, la présomption d’imputabilité pose des questions très complexes pour les pathologies dont l’origine professionnelle peut être discutée (remise en cause, par l’employeur ou la caisse), alors qu’elles se déclarent en dehors du temps et du lieu de travail : les risques psychosociaux (stress, harcèlement, suicide) et les maladies cardiaques/AVC notamment.
C’est précisément dans le cadre de cette seconde hypothèse que la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt rendu le 6 juillet 2017
Dans les faits, le salarié travaillait trois jours par semaine. Un jour où il ne travaillait pas, il a été victime d’un malaise dans la salle d’attente du service de la médecine du travail, au titre d’une visite périodique.
Les juges du fond ont déclaré la décision de prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail inopposable à l’employeur au titre que :
- Le malaise dont a été victime le salarié s’est produit hors de ses jours de travail ;
- Que le malaise déclaré est survenu en dehors de tout fait accidentel soudain, la victime n’effectuant aucun effort particulier, il attendait dans la salle d’attente de la médecine du travail ;
- Qu’ainsi, la preuve de la matérialité de l’événement précis et soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail n’était pas rapportée.
La Cour de cassation n’a pas retenu ces arguments. Elle a rappelé qu’au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale « le temps nécessité par les visites médicales périodiques est assimilé à du temps de travail : tout accident d’un salarié pendant une visite médicale périodique est donc présumé être survenu à l’occasion du travail ».
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur des faits similaires :
- Le 5 juin 2008 elle jugeait qu’une rupture d’anévrisme d’une salariée se rendant à son travail était qualifiée d’accident du travail, dans la mesure où la victime s’apprêtait à reprendre son activité professionnelle, et se trouvait en état de stress ce jour-là.
- De même, elle jugeait qu’une agression survenue en dehors du lieu et du temps de travail a été qualifiée d’accident du travail, dès lors qu’elle est en lien étroit avec celui-ci (Cass. soc., 4 février 1987, n° 85-13.532. En l’espèce un directeur d’une agence bancaire agressé avec sa famille à son domicile par des malfaiteurs qui souhaitaient accéder à la salle des coffres de sa banque).
Dans cet arrêt du 6 juillet 2017, c’est le caractère inhérent de la visite médicale à l’exécution de son contrat de travail qui suggère de considérer le salarié comme étant sous l’autorité et la surveillance de son employeur.
A ce titre, le salarié entre ainsi dans le champ d’application de la législation professionnelle.
Cass. civ. 2, 6 juillet 2017, n° 16-20.119, F-P+B
« Vu l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu’au sens de ce texte, le salarié est au temps et au lieu de son travail tant qu’il est soumis à l’autorité et à la surveillance de son employeur ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Thierry Z…, salarié de la société Kuehne Nagel aérospace et Industry (la société) étant décédé le […] alors qu’il se trouvait dans la salle d’attente du médecin du travail dans le cadre d’une visite périodique, la société a déclaré cet accident à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Garonne (la caisse) qui l’a pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que la société a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins d’inopposabilité de cette décision ;
Attendu que pour accueillir ce recours, l’arrêt retient que le malaise dont a été victime Thierry Z… s’est produit un jeudi, hors de ses jours de travail ; qu’il ne travaillait donc pas au sein de l’entreprise et les horaires de travail mentionnés sur la déclaration d’accident du travail, 10 heures à 11 heures, ne correspondent qu’au temps passé dans le service de la médecine du travail pour une visite périodique ; que l’accident s’est produit en dehors du lieu de travail dans la salle d’attente du service de la médecine du travail ; que le malaise déclaré est survenu en dehors de tout fait accidentel soudain, la victime n’effectuant aucune activité physique, aucun effort particulier, il attendait dans la salle d’attente de la médecine du travail ; que la preuve de la matérialité de l’événement précis et soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail n’est donc pas rapportée ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié avait été victime d’un malaise quand il se trouvait dans les locaux des services de la médecine du travail en l’attente d’un examen périodique inhérent à l’exécution de son contrat de travail, de sorte qu’il devait bénéficier de la présomption d’imputabilité, la cour d’appel d’appel a violé le texte susvisé ; »
Voir aussi https://www.avocat-jalain.fr/quelle-procedure-pour-la-reconnaissance-des-accidents-du-travail/