Règlement intérieur : conditions de mise en place et adjonctions
Dans un arrêt du 23 juin 2021 la Cour de cassation est venue préciser qu’une modification d’un règlement intérieur sur injonction de l’inspecteur du travail n’a pas à être soumise à la consultation des représentants du personnel et n’a aucune incidence sur la date d’entrée en vigueur de ce règlement.
Pour rappel, l’article L 1321-4 du Code du travail dispose que
« Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité social et économique.
Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.
En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité social et économique, est communiqué à l’inspecteur du travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur. »
Il est de jurisprudence constante qu’un règlement intérieur introduit ou modifié sans qu’il ait été procédé aux consultations ou aux formalités de publicité légalement imposées est privé d’effet à l’égard des salariés.
(Cass. soc. 4-6-1969 n° 68-40.377 P ; Cass. soc. 11-2-2015 n° 13-16.457 FS-PB).
Ainsi, il ne peut pas être reproché à un salarié un manquement à des obligations édictées par le règlement et les sanctions prévues par celui-ci ne peuvent pas être prononcées.
(Cass. soc. 9-5-2012 n° 11-13.687 FS-PB)
En l’espèce, un salarié avait été sanctionné à 3 reprises sur la base d’un règlement modifié.
Le salarié demandait l’annulation de ces sanctions disciplinaires. La cour d’appel lui a donné raison, jugeant notamment que le règlement intérieur était inopposable au salarié pour différents motifs.
Ainsi, la Cour de cassation est venue préciser que :
Dans un premier temps,
- Les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial, qui avait été soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation.
Ce faisant, la chambre sociale conforte une solution dégagée en référé en 2019. (Cass. soc. 26-6-2019 n° 18-11.230 FS-PB).
Autrement dit, une modification sur injonction de l’inspecteur du travail ne constitue pas une modification au sens de l’article L 1321-4 du Code du travail justifiant la consultation du CSE.
Le deuxième aspect de la question soumise à la Cour de cassation portait sur la date d’entrée en vigueur du règlement intérieur ainsi modifié.
La cour d’appel reprochait à l’employeur de ne pas avoir modifié formellement cette date à la suite de la modification intervenue en 1985, de sorte que celle-ci restait fixée au 5 septembre 1983.
- Sur ce point, la Cour de cassation a d’abord rappelé que le règlement intérieur doit indiquer la date à partir de laquelle il entre en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. Ces formalités sont applicables en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur. ( trav. art. L 1321-4et C. trav. R 1321-3).
Ainsi l’employeur ayant bien effectué les formalités de publicité et de dépôt requises, le règlement intérieur était entré en vigueur après la dernière date d’accomplissement de ces formalités.
Pour finir, la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur le sort d’un règlement de sécurité.
En effet, la cour d’appel reprochait à l’employeur de s’être appuyé sur des règlements de sécurité pour sanctionner le salarié alors que ces documents constituaient, selon elle, des adjonctions au règlement intérieur, devant être soumis à la consultation des représentants du personnel, en application de l’article L 1321-5 du Code du travail, ce qui n’avait pas été le cas.
La Cour de cassation va venir rappeller que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe, notamment, les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement ;
Que les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières couvertes par un règlement intérieur sont, lorsqu’il existe un tel règlement, considérées comme des adjonctions à celui-ci, soumises à ce titre au même régime.
- Ainsi le document interne par lequel l’employeur se borne à rappeler les dispositions législatives et réglementaires applicables dans l’entreprise en matière de sécurité ne crée pas de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés et ne constitue donc pas une adjonction au règlement intérieur, de sorte que l’employeur n’est pas tenu aux formalités de consultation et de publicité rappelées plus haut.
Les juges du fond auraient donc dû, en l’espèce, rechercher si le manuel de sécurité agence et la fiche de sécurité créaient de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés.
Cette position est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle, les notes de service ou tout autre document – tels des règlements de sécurité – sont assimilés au règlement intérieur, et donc soumis aux mêmes règles d’élaboration, s’ils portent prescriptions générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur, par exemple en matière d’hygiène, de sécurité et de discipline (CE 27-7-2005 n° 254600).
Il en va différemment si la note de service ne comporte que des informations sur le fonctionnement général d’un service de l’entreprise ou si elle se borne à préciser une modalité d’application du règlement intérieur (CE 12-11-1990 n° 96721 ; Cass. soc. 7-10-1992 n° 89-45.283 P). Elle n’est, dans ce cas, pas considérée comme une adjonction à celui-ci.
Cass. soc., 23 juin 2021, n°19-15737, FS-B