Panorama de la jurisprudence récente en matière d’obligation de sécurité, de discrimination et de harcèlement moral.

La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 5 février 2020, qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle directement consécutif à une alerte du salarié concernant ses difficultés au travail et ses arrêts maladie pour burn out peut laisser supposer l’existence d’une discrimination à raison de son état de santé, le risque étant alors la nullité du licenciement prononcé

 

Pour rappel, l’obligation de sécurité de l’employeur est prévue aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail.

 

A ce titre,

 

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »

 

Toute discrimination dans la relation de travail est prohibée par l’article L1132-1 du code du travail qui rend la mesure prise en ce fondement comme étant nulle.

 

Dans le même sens, tout fait de harcèlement moral (L 1152-1 dudit code) ou sexuel (L1153-3 du code du travail) est condamné par le code du travail.

 

Les notions de manquement à l’obligation de sécurité, de harcèlement (moral ou sexuel) et de discrimination en raison de l’état de santé alimentent de nombreux contentieux.

 

Ainsi jugé récemment,

 

  • L’absence de harcèlement (moral ou sexuel) n’exonère pas en soi l’employeur au regard de son obligation de sécurité à partir du moment où il n’a pas diligenté d’enquête interne suite à la plainte du ou de la salariée.

 

A ce titre, « l’obligation de prévention des risques professionnels (…), est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral (…) et ne se confond pas avec elle »

 

(Cass. Soc. 8 juillet 2020, n° 18-24320 ; Cass. Soc. 27 novembre 2019, 18-10551).

 

Ainsi, le juge ne peut écarter la demande de dommages-intérêts du salarié pour manquement à l’obligation de sécurité du seul motif qu’il ne justifie pas d’éléments, qui, pris dans leur ensemble, permettraient de présumer l’existence d’un harcèlement.

 

 

  • Par ailleurs, le fait de confier au salarié des tâches dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé, de manière habituelle et non-conforme aux prescriptions du médecin du travail, compromettant son état de santé laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral (Cass. Soc. 4 novembre 2020, n° 19-11626).

 

 

Faute de preuve par l’employeur d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, celui-ci peut être condamné à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice spécifique et distinct lié au harcèlement moral, en l’occurrence indépendamment de la nullité du licenciement prononcé pour faute grave, à la fois pour discrimination en raison de l’état de santé et pour harcèlement moral.

 

 

La frontière entre ces différentes qualifications (manquement à l’obligation de sécurité, harcèlement, discrimination), est donc très mince : l’un peut conduire à l’autre ou venir l’alimenter, tandis que l’absence de l’un n’exclut pas la reconnaissance de l’autre …

 

Ainsi, l’employeur doit être en mesure de justifier :

 

  • D’avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail, et plus particulièrement, en cas de harcèlement, d’avoir, dès l’alerte, pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (cf. Cass. Soc. 1er juin 2016, n° 14-19702) ;

 

  • D’avoir pris des mesures ou décisions de bonne foi, justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou toute discrimination (directe ou indirecte).

 

En l’espèce, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger pour la première fois que le licenciement d’un salarié en état de Burn-out devait être considéré comme un licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé.

 

En l’espèce, après 25 ans d’ancienneté, un salarié est licencié pour insuffisance professionnelle.

 

Le licenciement était intervenu 8 jours après avoir informé son employeur de la dégradation de son état de santé due aux conditions de travail dans lesquelles il exerce. Le salarié avait informé par mail son employeur qu’il avait été arrêté pour « burn-out » mais que, soucieux d’assurer ses fonctions, il souhaitait reprendre le travail.

 

Le salarié a ainsi saisi la juridiction prud’homale afin de demander la nullité de son licenciement au visa de l’article L1132-2 du code du travail

 

La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 5 juillet 2018, n° 16/03646, déboute le salarié en estimant que les éléments du dossier ne peuvent démontrer que ce dernier ait été licencié en raison de son état de santé. Le salarié se pourvoit alors en cassation.

 

Dans un arrêt du 5 février 2020, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble, en estimant que le salarié avait bien rapporté des « éléments de faits constituant une discrimination ».

 

En outre, la Cour de cassation rappelle qu’il incombe à l’employeur de démontrer que le licenciement est licite et repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, éléments que l’employeur n’avait pas rapporté en l’espèce.

 

Dès lors, tout licenciement d’un salarié en « burn-out » est contraire à l’article L1132-2 du code du travail, rendant nul tout licenciement basé sur l’état de santé de la victime.