Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ?
Le licenciement d’un salarié en arrêt maladie fondé sur son arrêt est, en principe, interdit car discriminatoire.
En ce sens, l’article L1132 du code du travail, considère qu’ :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (…) en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français. »
Pourtant, dans certains cas, un salarié en arrêt va pouvoir être licencié si l’employeur justifie de certaines circonstances.
Il convient tout de même de distinguer selon les arrêts professionnels de ce non professionnels :
- Concernant un salarié en arrêt de travail non professionnel :
Selon le code du travail et la jurisprudence constante, un salarié en arrêt de travail peut être licencié si le licenciement est :
« non motivé par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé pour maladie et que ces perturbations entrainent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif »
(Cass. soc. 13-3-2001 n° 99-40.110 FS-PBR : RJS 5/01 n° 592 ; Cass. soc. 2-3-2005 n° 03-42.800 F-D : RJS 5/05 n° 503 ; Cass. soc. 4-6-1998 n° 96-40.308 PB : RJS 7/98 n° 845).
En outre, pour valider ce motif de licenciement, le juge doit vérifier que le remplacement définitif du salarié par un autre, sous contrat à durée indéterminée, est intervenu à une date proche ou à un délai raisonnable après la rupture du contrat de travail du salarié en arrêt.
(Cass. soc. 16-9-2009 n° 08-41.879 F-PB : RJS 11/09 n° 849, Cass. soc. 28-10-2009 n° 08-44.241 FS-PB : RJS 1/10 n° 28).
La Cour de cassation est très stricte sur la caractérisation de ces critères. (Cass. Soc., 5 février 2020, 18-17.394)
Ainsi, pour qu’un tel motif de licenciement soit valable, les juges doivent vérifier de nombreux critères cumulatifs tels :
- Que la raison réelle du licenciement ne soit pas fondée sur l’état de santé du salarié
- Que l’entreprise justifie que la situation objective de l’entreprise trouve son fonctionnement perturbé par l’absence du salarié. (Cass. soc., 27 janvier 2016, n°13-27.979)
- Que cela nécessite l’embauche d’un nouveau salarié en CDI après la rupture du contrat du salarié en arrêt.
- Que l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié ne soit pas être liées au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (par exemple, absences liées à un harcèlement moral) (Cour de cass. 10 mars 2021)
Ainsi rappelé très récemment par la Cour de cassation:
« L’article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.
Ce remplacement doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement »
Arrêt n°370 du 24 mars 2021 (19-13.188) – Cour de cassation – Chambre sociale
La Cour de cassation considère dans cet arrêt que le remplacement d’une directrice dans les 6 mois suivant la rupture de son contrat est un délai raisonnable eu égard aux démarches immédiatement engagées par l’employeur pour recruter un nouveau salarié et l’importance du poste à pourvoir.
Le non-respect de ces conditions entrainera la nullité du licenciement car sera considéré comme étant fondé sur l’état de santé du salarié ;
Ces absences pour raison de santé auxquelles la société pouvait aisément faire face, constituaient en réalité la véritable cause du licenciement »
Cass. soc., 16 déc. 2010, n° 09-43.074
- Concernant un salarié en arrêt de travail professionnel
L’article L1226-9 du code du travail dispose qu’ :
« Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. »
La Cour de cassation a rappelé récemment ces conditions ;
« Pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, l’employeur peut seulement reprocher au salarié des manquements à son obligation de loyauté pour justifier un licenciement pour faute grave. »
Cass. soc. 3-2-2021 n° 18-25.129 F-D
Dans ce cas, la faute grave peut seulement être caractérisée par un manquement du salarié à son obligation de loyauté. (Cass. soc. 3-2-2021 n° 18-25.129 F-D)
Tout licenciement pendant l’arrêt de travail prononcé en méconnaissance de cette règle est nul.
Ainsi, dans ce cas la perturbation et la désorganisation de l’entreprise engendrées par les absences répétées du salarié qui ne pouvait pas être remplacé ne peuvent pas être invoquées pour justifier le licenciement car ce motif est lié à l’accident du travail (Cass. soc., 23 mars 2004, no 01-46.007)