Comment reconnaitre et réagir face à une situation de harcèlement sexuel ?
Selon l’article L. 1153-1 du code du travail, le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuel, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers, est également constitutif de harcèlement sexuel
Depuis la loi no 2012-954 du 6 août 2012, le harcèlement sexuel couvre un champ beaucoup plus large : il se définit par l’objectif poursuivi mais également par les conséquences du comportement sur la victime.
L’auteur du harcèlement peut être toute personne dans l’entreprise, sans qu’un lien de subordination entre l’auteur et la victime ne soit exigé. Le but recherché par l’auteur du harcèlement est l’obtention d’une relation sexuelle.
Les victimes de harcèlement sexuel peuvent être des salariés, des personnes en formation ou en stage, ainsi que des candidats à un recrutement, un stage ou une formation.
Ces personnes sont protégées par le code du travail qui prévoit ainsi « qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel, y compris, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés (C. trav.L.1153-2)
De même, les personnes relatant ou témoignant de ces agissements sont également protégées.
Il en résulte que toute licenciement en lien avec ce harcèlement est nul (C. trav., art. L. 1153-4).
- Comment distinguer ce harcèlement sexuel répréhensible d’un comportement de séduction « inapproprié » mais non répréhensible ?
La notion de harcèlement sexuel est parfois difficile à appréhender.
Quelques exemples issus de la jurisprudence, qui illustrent les difficultés en la matière :
- Le fait de mettre une met aux fesses à une collègue à une seule occasion… ne sera pas forcement jugé comme du harcèlement. Il peut s’agir d’une agression sexuelle, plus grave et plus sévèrement punie par la loi puisque les peines peuvent aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Pour qualifier ces contacts d’agression sexuelle, il faut que soient touchées sans le consentement de la victime une ou plusieurs parties intimes dont les fesses, la poitrine, les cuisses, le sexe ou la bouche de la personne.
- Le fait de faire des propositions sexuelles à un(e) collègue, qu’il/elle refuse ou auxquelles il/elle ne répond pas… est un cas de harcèlement sexuel dans la mesure où ces propos sont répétés. Peu importe que la victime oppose un refus, implicite ou explicite, à l’auteur des faits.
- Le harcèlement sexuel suppose donc des agissements dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers ; qu’en se bornant à affirmer que les attestations produites par la salariée, laquelle faisait état d’”avances sexuelles”, de “brimades”, d’”hostilités”, de propos et gestes déplacés” et de “petits mots” de la part de M. Y…, relataient clairement “des faits précis”, témoignaient de la “réputation d’homme à femmes” de M. Y… et de son “comportement hostile et harceleur” envers Mme X… Arrêt de la Cour de cassation, n° 07-42920 du 23 septembre 2008
- …M. X…, cadre, avait eu un comportement, dénoncé par sa subordonnée mineure, consistant à tenter de l’embrasser contre son gré sur le lieu du travail, à l’emmener à son domicile en renouvelant à cette occasion des avances de nature sexuelle, et à l’appeler fréquemment par téléphone en dénigrant la relation affectueuse que celle-ci entretenait avec un tiers, provoquant par ces agissements angoisse et même dépression ; qu’en l’état de l’ensemble de ces motifs, elle a caractérisé un harcèlement sexuel constitutif d’une faute grave qu’elle a estimé être la cause du licenciement…
- Adresser des documents pornographiques peut être qualifié de harcèlement sexuel
Arrêt n° 08-70382 du 12 mai 2010 : le supérieur hiérarchique adresse des documents à caractère pornographique à son employée, ces faits sont qualifiés de harcèlement sexuel. La salariée fournissait un certain nombre d’attestations et de témoignages qui venaient conforter, ne serait-ce qu’indirectement, ses accusations de harcèlement à l’encontre de son supérieur hiérarchique.
- Des faits survenus en dehors du lieu de travail peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel
Le manager a tenu des propos à caractère sexuel à deux collègues femmes via des messages MSN, adressés en dehors du temps de travail et à l’occasion de soirées organisées après le travail. (Arrêt du 19 octobre 2011, n° 09-72672 )
- Prévention du harcèlement sexuel et sanctions
Quand un harcèlement sexuel est avéré, l’employeur doit sanctionner l’auteur des faits : en matière de harcèlement sexuel la faute grave est toujours caractérisée et il peut donc décider de la sanction la plus lourde c’est à dire le licenciement.
Une obligation de résultat de protéger la santé et la sécurité du personnel est imposée à l’employeur. Il doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des salariés et surtout empêcher la réalisation du risque.
Un arrêt rendu le 1er juin 2016, la Cour de cassation revient sur cette jurisprudence et estime désormais que l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention et informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une mesure de harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Soc. 1er juin 2016, no 14-19.702).
Ainsi tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ouvre droit à des dommages-intérêts et autorise le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l’employeur.
- Quelle sanction du harcèlement sexuel ?
La loi no 2016-1088 du 8 août 2016 dite loi « Travail » prévoit que lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement sexuel et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité légale de licenciement.
La Cour de cassation retient la possibilité de sanctionner pour faute grave des actes de harcèlement sexuel commis en dehors du temps et du lieu de travail dès lors que « les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle » (Soc. 19 oct. 2011, no 09-72.672).
Il existe aussi une procédure d’alerte dont disposent les délégués du personnel a été étendue aux situations de harcèlement sexuel (C. trav 2313-2)
Enfin l’article 222-33-2 du code pénal prévoit la sanction du délit “Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.”
Ce texte doit également être affiché dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche comme l’impose l‘article L 1153-5 du code du travail.
- La preuve du harcèlement sexuel
Les actes ou propos répétés à connotation sexuelle imposés à la victime ainsi que le harcèlement sexuel résultant de la commission d’un acte unique sous forme de pression grave sont incriminés.
L’acte peut être recherché au profit de l’auteur du harcèlement mais aussi au profit d’un tiers.
L’absence de consentement de la victime est nécessaire pour caractériser le harcèlement sexuel. Ce refus peut être explicite ou résulter du comportement de la victime (silence permanent face aux agissements, demande d’intervention adressée à des collègues ou à un supérieur hiérarchique).
La loi imposait au salarié s’estimant victime d’un harcèlement d’établir des faits qui permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1).
Avec la loi « Travail » , les règles relatives à l’administration de la preuve en matière de harcèlement ont été révisées et sont désormais identiques à celles applicables en matière de discrimination.
Ainsi, le salarié s’estimant victime d’un harcèlement (moral ou sexuel) doit dorénavant présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1 mod.).
L’employeur sevra alors demontrer que ces elements ne sont pas probants sans quoi il s’expose à une condmanation.