Heures supplémentaires : comment en apporter la preuve devant le Conseil de prud’hommes ?
En effet, débiteur d’une obligation de santé et de sécurité envers ses salariés, il doit pouvoir notamment garantir les durées de repos minimales et s’assurer du non dépassement des durées maximales de travail.
La charge de la preuve en la matière n’incombe pas plus à l’employeur qu’au salarié.
En effet, la cour de cassation juge que le salarié demandeur doit seulement apporter des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc. 24 février 2004 n° 01.45-441) ; éléments devant être toutefois »suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments » (cass. soc. 24 novembre 2010, n° 09-40928).
Puis il reviendra à l’employeur de répondre auxdits éléments.
Ainsi, la Cour de cassation retient la valeur probante :
– de tableaux récapitulatifs établis par les soins du salarié ne comportant pas le visa de l’employeur (Cass. soc 10 mai 2007 n° 05-45932, 15 déc. 2010 n° 08-45242),
– d’un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire (Cass. soc 24 nov. 2010 n° 09-40928),
– de fiches de temps émanant d’une badgeuse relevant les heures d’entrée et de sortie du personnel (Cass. soc 24 février 2009 n° 07-43479),
– de tableaux d’heures établis par le salarié à partir de son agenda électronique (Cass. soc 14 nov. 2012 n° 11-23768),
– de photocopies de calendriers indiquant pour chaque journée le nombre d’heures travaillées, avec un total hebdomadaire, sans indication des heures d’arrivée et de départ, ni de l’activité (Cass. Soc., 10.07. 2013 : n° 11-28.74).
S’ajoute donc à cette liste, depuis le 12 février 2015, « le décompte précis énumérant ses diverses tâches ménagères auquel était joint un relevé extrêmement détaillé mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis. »
Il revient ensuite à l’employeur de répondre en apportant les éléments justifiant les horaires de travail effectués par le salarié.
A défaut, l’employeur qui ne répond pas sur les éléments fournis par le salarié sera condamné au paiement des heures supplémentaires invoquées par le salarié.
Tel était le cas en l’espèce.
Le salarié communiquait « un décompte précis énumérant ses diverses tâches ménagères auquel était joint un relevé extrêmement détaillé mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis« .
La Cour de cassation jugeait ces éléments suffisamment précis et condamnait l’employeur au paiement des heures supplémentaires sollicitées par le salarié à l’appui de ces seuls documents.
Maître JALAIN – Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux
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Cass. soc. 12 février 2015, n°13-17900
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 22 mars 2013) que Mme X… a été engagée par M. Y… en qualité de femme de chambre à compter du 7 mai 2010 sur la base d’un contrat à temps partiel suivi d’un contrat de travail à temps complet à compter du 20 mai suivant ; que reprochant à son l’employeur l’absence de paiement de ses heures supplémentaires, l’intéressée a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 3 novembre 2010 avant d’être licenciée pour faute grave le 25 novembre 2010 ; qu’elle a saisi par la suite la juridiction prud’homale pour demander la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre des heures supplémentaires alors, selon le moyen :
1° / que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties ; que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir utilement au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en imposant à l’employeur de justifier les horaires de travail, nonobstant l’absence d’éléments sérieux de nature à étayer la demande de la salariée, la cour d’appel a fait peser sur cet employeur la charge d’une preuve qui ne lui incombait pas et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2° / que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des deux parties et que si l’employeur doit fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ces éléments doivent être suffisamment précis, vraisemblables et cohérents pour venir au soutien de la demande, ce qu’il appartient au juge de vérifier ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le décompte fourni par la salariée était vraisemblable compte tenu du volume et du rythme d’activité de l’établissement et de son chiffre d’affaires, la cour n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
3° / que la cour d’appel ne pouvait affirmer que le mode de chiffrage présenté par la salariée n’était pas critiqué sans distinguer entre les heures complémentaires et les heures supplémentaires et sans rechercher, comme l’y invitaient les conclusions de l’employeur, si le contrat de travail n’était pas en réalité un contrat de travail à temps partiel et si les heures de base et les heures complémentaires réglées par M. Y… étaient ou non conformes aux prévisions contractuelles ; que la cour d’appel a ainsi entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 3171-4 et L. 3123-17 du code du travail ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que la salariée étayait sa demande au titre des heures supplémentaires par la production d’un décompte précis énumérant ses diverses tâches ménagères auquel était joint un relevé extrêmement détaillé mentionnant pour chaque journée de travail son horaire précis, sans que l’employeur fournisse aux débats le moindre élément sur les horaires effectués, la cour d’appel a, sans inverser la charge de la preuve, retenu à bon droit l’existence d’heures supplémentaires ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une certaine somme au titre de l’indemnité de travail dissimulé alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X… sera étendue par voie de conséquence aux chefs de l’arrêt relatifs au travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du seul défaut de planning et d’enregistrement des horaires ; qu’en affirmant que l’emploi de Mme X… à de multiples tâches sans planning et sans enregistrement des horaires établissaient une telle intention, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
3°/ qu’en fixant à 20 313,60 euros le montant de l’indemnité pour travail dissimulé sans justifier en aucune manière le montant ainsi alloué, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8223-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a relevé que l’employeur avait appelé la salariée à effectuer de multiples tâches sans procéder au moindre enregistrement de ses horaires effectués, a par là-même caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé et a fixé le montant de l’indemnité de travail dissimulé en tenant compte du mode de chiffrage des heures supplémentaires dont elle a relevé qu’il n’était pas critiqué ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à remettre à la salariée des bulletins de paie rectifiés sous astreinte alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l’arrêt en ce qu’il a retenu l’existence d’heures supplémentaires effectuées par Mme X… sera étendue par voie de conséquence au chef du dispositif de l’arrêt relatif à la remise de bulletins de salaire rectifiés, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que Mme X… demandait la condamnation de M. Y… à remettre un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés mais non la remise de bulletins de salaire rectifiés ; qu’en prononçant une condamnation qui ne lui était pas demandée, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c’est sans modifier l’objet du litige, que la cour d’appel a pu faire droit à la demande de remise de bulletins de paie rectifiés expressément réclamée par la salariée dans ses écritures ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y… à payer à la SCP Monod, Colin et Stoclet la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze. »