Comment s’articule l’unicité de l’instance entre Conseil de prud’hommes et Cour d’appel ?
En vertu des articles R1452-6 et R1452-7 du Code du travail, toute action en justice trouvant son origine dans le même contrat de travail, entre les mêmes parties, doit faire l’objet d’une même action en justice. De même, les éventuelles nouvelles demandes sont recevables, dans le cadre de cette même action, en appel.
C’est ce que rappelait la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 octobre 2014.
En l’espèce, le Conseil de prud’hommes prononçait la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée.
Elle faisait appel dudit jugement.
Mais avant même son passage devant la Cour d’appel, elle était licenciée.
Conformément au principe de l’unicité de l’instance susvisé, elle pouvait donc formuler des demandes nouvelles en appel fondées sur son licenciement.
Pourtant, le Cour d’appel renvoyait la salariée devant le Conseil de prud’hommes aux fins de statuer sur lesdites demandes nouvelles.
La Cour de cassation saisie en suivant cassait l’arrêt d’appel sur ce point en rappelant que la Cour d’appel doit accueillir les demandes nouvelles tenant à un même contrat, entre les mêmes parties.
Ce sera à une autre Cour d’appel de rejuger l’affaire en cause.
Par Me JALAIN
Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux
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Cass. soc. 21 octobre 2014, n°13-19786 :
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été engagée à compter du 3 septembre 2003 en qualité de coordinateur par la société Cofatech devenue la société GFD Suez énergie services ; qu’elle a été absente du 24 décembre 2009 au 31 août 2010 pour arrêt maladie suivi d’un arrêt pour grossesse, avec reprise le 1er septembre suivant ; qu’à l’issue d’un arrêt maladie du 27 octobre au 14 novembre 2010, elle a passé le 26 novembre 2010 une visite médicale auprès du médecin du travail qui l’a déclarée inapte temporaire ; que placée en arrêt maladie du 29 novembre 2010 au 30 janvier 2011, elle a été déclarée apte par le médecin du travail le 17 février 2011 ; qu’elle a saisi le 8 mars 2011 la juridiction prud’homale de demandes en résiliation de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes ; qu’elle a été licenciée le 23 novembre 2012 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes de paiement afférentes, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait de ne pas rémunérer l’intégralité des heures de travail effectuées par le salarié justifie, à lui seul, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ; qu’en refusant cependant de prononcer la résiliation du contrat de travail, quand il résulte de ses constatations que la salariée n’avait pas été rémunérée pour les jours travaillés au-delà du forfait jours prévu, la cour d’appel a violé l’article L1231-1 du Code du travail ;
2°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit en assurer l’effectivité ; qu’à ce titre, il lui appartient de saisir lui même, dans un délai de huit jours à partir de la reprise du travail, le médecin du travail en vue d’un examen médical de reprise ; que, pour juger que la mise en oeuvre tardive de l’examen médical de reprise n’était pas imputable à l’employeur, les juges du fond se sont fondés sur les contraintes matérielles rencontrées par la médecine du travail pour respecter les délais légaux ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si, ainsi qu’ils y étaient invités, l’employeur avait lui-même saisi le médecin du travail dans les huit jours de la reprise du travail par la salariée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles R4624-22 et R4624-23 du Code du travail ;
3°/ qu’en se bornant à retenir que le retard dans la mise en oeuvre de la visite médicale de reprise après le congé maternité de Mme X… n’était pas imputable à l’employeur, sans rechercher, ainsi qu’ils y étaient cependant invités, si ce retard ne s’était pas, par la suite, répété et si le manquement par l’employeur à ses obligations en matière de visite médicale de reprise n’était pas récurrent, les juges du fond ont, une nouvelle fois, privé leur décision de base légale au regard des articles R4624-22 et R4624-23 du Code du travail ;
4°/ qu’à l’issue du congé maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ; qu’en se bornant à relever que la salariée s’était vue affecter une charge de travail conforme à sa qualification, sans rechercher si, comme elle y était cependant invitée, à son retour de congé maternité, la salariée ne s’était pas vue privée d’une partie de ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L1225-25 du Code du travail ;
5°/ que, dans une correspondance du 18 octobre 2010 versée aux débats, la salariée écrivait à son employeur : « Bonjour, De retour de congé maternité, il vient de m’être attribué un compte GENESIS pourriez vous me faire parvenir mes codes d’accès, identifiant etc.. » ; qu’en relevant qu’il résultait de cette correspondance qu’à la date du 18 octobre 2010, il avait été fourni à la salariée les clés d’accès à son poste de travail et à sa messagerie, la Cour d’appel l’a dénaturée et ainsi violé l’article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé successivement, par motifs propres et adoptés, et hors toute dénaturation, que la mise en oeuvre tardive de la visite de reprise due à l’organisation du service de médecine du travail n’était pas imputable à l’entreprise et que, contrairement à ce qu’elle soutenait, la salariée, mentionnée sur l’organigramme de l’entreprise, à laquelle étaient communiquées les clés d’accès à sa messagerie et à son poste de travail, s’était vu attribuer une charge de travail conforme à sa qualification, la Cour d’appel a pu relever que le seul fait du non-paiement des jours de travail supérieurs au forfait jour ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles R1452-6 et R1452-7 du Code du travail ;
Attendu que pour renvoyer l’examen des demandes relatives au licenciement présentées par la salariée devant le conseil de prud’hommes, l’arrêt retient que le licenciement est intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes ainsi qu’au jugement déféré et qu’en application de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, eu égard à la nécessité d’un procès équitable, il convient, afin que les parties bénéficient d’un double degré de juridiction, de renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes ;
Qu’en statuant ainsi, alors d’une part que toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une même instance et que les demandes nouvelles relatives à ce contrat sont recevables en tout état de cause, même en appel, et d’autre part que les causes du second litige tendant à obtenir l’indemnisation du licenciement prononcé le 23 novembre 2012, en étaient connues avant la clôture des débats devant la cour d’appel saisie de l’instance initiale, en sorte que les parties avaient eu la possibilité de présenter leurs nouvelles prétentions et leurs moyens de défense en appel, sans être privées de leur droit d’accès au juge, la Cour d’appel a violé les articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l’arrêt a ordonné le renvoi des demandes de la salariée relatives au licenciement devant le conseil de prud’hommes, l’arrêt rendu le 18 avril 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société GDF Suez aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société GDF Suez à payer à Mme X… la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze. »