L’indemnisation de salariés exposés à l’amiante confirmée par la Cour d’Appel de Bordeaux
La cour d’appel de Bordeaux a confirmé le 9 avril 2009 un jugement du conseil de prud’hommes qui avait pour la première fois en France condamné une société à indemniser des salariés exposés à de l’amiante pour la perte de revenus liée à leur départ prématuré en retraite, annonce l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante.
Saisi par 17 salariés du groupe finlandais Ahlstrom, le conseil des prud’hommes de Bergerac (Dordogne) avait estimé en juin dernier que leur employeur les avait privés, « par son attitude, d’une évolution de carrière normale et d’une retraite légitime compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie ».
Les 17 salariés de la papeterie de Lalinde (Dordogne) exposés à l’amiante et qui n’ont pas jusqu’ici développé de maladie sont bénéficiaires de l’Allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (Acaata), qui prend en charge 65% du salaire.
La Chambre Sociale de la Cour d’Appel de BORDEAUX a confirmé dans son principe le jugement rendu par le Conseil de Prud’Hommes de BERGERAC du 26 Juin 2008, en rappelant les points suivants :
« Aux termes des dispositions de l’article L 4221-1 du Code du Travail interprétées à la lumière de la directive du 12 Juin 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’effectivité.Dès lors toute violation de ces obligations par l’employeur en la matière, doit entraîner l’ouverture d’un droit à dommages intérêts. »
La Cour d’Appel de BORDEAUX souligne la nature des demandes formulées par les anciens salariés :
« Il sera également rappelé que devant la Cour, le salarié n’entend pas faire qualifier la manière dont son contrat de travail a été rompu, ni demander unevenu de substitution, mais seulement faire réparer un dommage dont il s’estime victime. » La Cour caractérise ensuite l’attitude de la Direction comme étant « peu diligente », dans la mise en oeuvre de la réglementation…Elle lui reproche de ne pas avoir mis en oeuvre « toutes les protections ndividuelles et collectives préconisées, notamment sur les années 1990 à 996 » et en définitive considère que « les dirigeants de l’Usine de Rottersac »…, « n’ont pas exécuté correctement l’obligation de sécurité qui pesait sur eux, cette violation de leurs obligations étant d’autant plus caractérisée qu’ils ne pouvaient ignorer le danger auquel ils exposaient leurs salariés. ».
Sur l’obligation de sécurité de résultat, l’arrêt précise que :
« S’il est exact que cette obligation de sécurité de l’employeur doit ’analyser comme une obligation de résultat, en raison des exigences qu’elle lui impose, il ne peut s’en déduire qu’elle doit être considérée comme emplie dès lors que le salarié termine son contrat de travail sans avoir déclaré une maladie professionnelle .
Les dirigeants de l’usine de Rottersac ne peuvent donc se prévaloir du fait que Mr (…) a demandé à bénéficier de l’ACAATA, alors qu’il n’était pas atteint d’une maladie liée à l’amiante.
En réalité, le comportement fautif de l’employeur a nécessairement induit pour le salarié un préjudice lié au fait qu’une grande partie de son contrat de travail s’est exécutée dans une entreprise où la direction alors en place ne ’est pas acquittée de ses obligations de sécurité..
En l’occurrence, un des éléments du préjudice réalisé et subi aujourd’hui par M. (…) repose dans le fait qu’il n’a pu prétendre au déroulement d’une vie professionnelle normale, en raison à la fois d’une situation objective d’exposition à un risque industriel dont un mode de réparation réside dans le bénéfice de l’ACAATA et d’une mise en danger aggravée par le comportement fautif de l’employeur.
Si l’ACAATA par les dispositions législatives qui la créent met obstacle à la perception d’un revenu de complément, en revanche, elle ne peut par ellemême exonérer l’employeur fautif des conséquences d’une exécution fautive du contrat de travail. »
Enfin, la Cour après avoir qualifié le préjudice de « perte de chance de mener à son terme une carrière professionnelle normale », souligne que : « Ce préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de ’employeur soutenant que M. (…) a crée lui-même cette situation et ne peut donc en demander réparation ne saurait prospérer, le fait de bénéficier de ’ACAATA ne pouvant avoir pour effet de priver le salarié qui a caractérisé l’existence de manquements particuliers de son employeur à son obligation e sécurité d’en obtenir une réparation spécifique, du fait des décisions qu’il a pu être amené à prendre pour se prémunir au mieux des dangers subis et e l’anxiété que ses conditions de travail ont généré chez lui.
Sur l’évaluation du préjudice :
La Cour d’Appel ayant considéré que le préjudice s’analyse en une perte de chance, réduit le montant de 72.000 Euros à 40.000 Euros et fixe le montant du préjudice d’anxiété qui s’ajoute au préjudice de perte de chance à la somme de 7.500 Euros.
Ainsi, l’analyse de la responsabilité de l’employeur n’est pas faite pour l’essentiel au niveau de la rupture du contrat de travail (imputable à l’employeur d’après les Juges de BERGERAC et de PARIS), mais au niveau du non-respect des obligations de l’employeur au visa de l’article L 4221-1 du Code du Travail
« Les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs. Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d’hygiène et de alubrité propres à assurer la santé des intéressés… », interprété à la lumière de la directive européenne de 1989 comme obligation de sécurité de résultat. »
Les indemnités pour la perte de leurs revenus jusqu’à l’âge légal de la retraite obtenues en première instance ont été réduites de 35 à 40%, allant de 5.500 à 55.000 euros, et le « préjudice d’anxiété » a été ramené de 10.000 à 7.500 euros chacun.
Voir l’article de presse:
Pour plus d’informations : http://avocat-jalain.fr