L’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié
En l’espèce, la première offre de reclassement était intervenue antérieurement à la seconde visite de reprise, donc était prématurée, et la seconde était intervenue la veille de l’avis des délégués du personnel donné postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement.
Cass. soc., 28 octobre 2009, n°08-42.804
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 7 avril 2008), qu’engagé le 14 octobre 1984 par la société Gineys, M. X… a été victime d’un accident du travail le 2 avril 2002 ; qu’à l’issue d’arrêts de travail prolongés et de deux visites de reprise les 23 décembre 2005 et 12 janvier 2006, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte aux postes actuels ; que celui ci, licencié le 10 février 2006 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, a saisi la juridiction prud’homale ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement et de l’avoir condamné à payer au salarié une somme à titre de dommages intérêts en application de l’article L. 122 32 7 du code du travail, alors, selon le moyen :
1°/ que les propositions de reclassement soumises au salarié au vu des conclusions écrites du médecin du travail lors du premier examen médical faisant état d’une inaptitude de ce dernier à son poste antérieur doivent être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ; qu’en l’espèce, il était constant que la proposition de reclassement faite par l’employeur le 4 janvier 2006 était conforme aux conclusions écrites du médecin du travail issues du premier examen médical ; qu’en affirmant cependant que cette proposition était prématurée pour être intervenue avant le second examen médical pratiqué par le médecin du travail, et que l’employeur ne pouvait ainsi tirer aucune conséquence du refus de cette proposition, la cour d’appel a violé les articles L. 122 32 5, alinéa 1er, et L. 122 32 7 devenus L. 1226 10 et L. 226 15 du code du travail ;
2°/ que les propositions de reclassement doivent être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement même si elles ont été soumises au salarié, devenu inapte à son poste antérieur à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, avant la consultation des délégués du personnel ; que le retard dans cette consultation ne constitue qu’une irrégularité de procédure qui n’ouvre pas droit à l’indemnité prévue par l’article L. 122 32 7 devenu L. 1226 15 du code du travail ; qu’en accordant au salarié cette indemnité et en déclarant son licenciement sans cause réelle et sérieuse au prétexte que les propositions de reclassement des 4 janvier et 31 janvier 2006 étaient antérieures à la consultation des délégués du personnel, la cour d’appel a violé le texte précité ;
3°/ que le reclassement du salarié inapte doit être recherché jusqu’au licenciement ; que les propositions faites postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement doivent donc être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ; qu’en écartant la proposition de reclassement du 31 janvier 2006 au prétexte qu’à cette date, l’employeur avait déjà engagé la procédure de licenciement et reçu le salarié en entretien préalable, la cour d’appel a violé les articles L. 122 32 5, alinéa 1er, et L. 122 32 7 devenus L. 1226 10 et L. 1226 15 du code du travail ;
4°/ qu’en tout état de cause, l’employeur soutenait être allé au delà de ses obligations en proposant au salarié le 31 janvier 2006 un emploi de conseiller CRC qui ne correspondait à aucun besoin de l’entreprise ni à un poste d’ores et déjà disponible ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ce point, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122 32 5, alinéa 1er, et L. 122 32 7 devenus L. 1226 10 et L. 1226 15 du code du travail ;
Mais attendu que l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié prévu par l’article L. 1226 10 du code du travail doit être recueilli après que l’inaptitude de l’intéressé a été constatée dans les conditions prévues par l’article R. 4624 31 du code du travail et avant la proposition à l’intéressé d’un poste de reclassement approprié à ses capacités ;
Et attendu qu’ayant relevé que la première offre de reclassement intervenue dès le 4 janvier 2006, antérieurement à la seconde visite de reprise, était prématurée, la cour d’appel, qui, sans devoir suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que la seconde offre de reclassement était intervenue le 31 janvier 2006, soit la veille de l’avis des délégués du personnel donné postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les cinquième et sixième branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gineys aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Gineys
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR jugé le licenciement de Monsieur X… sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société GINEYS à lui verser une indemnité de 30.000 par application de l’article L. 122-32-7 du Code du travail ainsi que 1.800 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS QU’en application de l’article L. 122-32-5 du code du travail «Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l’issue des périodes de suspension, l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ..uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail. S’il ne peut proposer un autre emploi, l’employeur est tenu défaire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement… L’employeur ne peut prononcer le licenciement que s’il justifie soit de l’impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions…» ; que, dans la mesure où la proposition que l’employeur est tenu de faire en application de ce texte, doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et doit être postérieure à l’avis des délégués du personnel, la société ne pouvait en l’espèce valablement engager le licenciement, comme elle l’a fait le 17 janvier 2006, sur le seul motif du refus par le salarié d’une proposition d’emploi qui avait été émise avant que le médecin du travail ait formulé des indications sur l’aptitude de l’intéressé après le déroulement complet de la procédure prévue à l’article R.241-51-1 du même code, c’est à dire après le contre-rendu du second examen médical, le médecin du travail n’ayant pas fait référence, le 2 9 décembre 2005, à une situation de danger immédiat au sens du même texte, et avant que l’avis des délégués du personnel ait été recueilli ; que la société reconnaît d’ailleurs elle-même dans ses dernières conclusions que les délégués du personnel doivent être consultés après le second examen médical ; que la proposition du 4 janvier 2006 du poste de contrôleur était donc prématurée et non conforme à la chronologie imposée par les dispositions légales en vigueur et que l’employeur ne pouvait en tout cas valablement tirer aucune conséquence du refus de cette offre par le salarie, le 12 janvier 2006 ; que pourtant la lettre de convocation à l’entretien préalable fait bien état de ce refus puisqu’il y est écrit : « par courrier en date du 12 janvier 2006, vous refusiez notre proposition de reclassement. Nous envisageons donc de procéder à votre licenciement « , et la lettre de licenciement fait expressément référence à l’entretien préalable du 26 janvier 2006 et aux refus des deux propositions de reclassement, ce qui constitue la preuve que la lettre de licenciement est bien l’aboutissement d’une seule et unique procédure, engagée le 17 janvier 2006 ; que certes, la société a proposé à Dominique X… un poste de reclassement, le 31 janvier 2006, postérieurement au second examen par le médecin du travail ; que cependant cette proposition, finalement refusée par le salarié, a également été faite antérieurement à la consultation des délégués du personnel, de sorte la consultation de ces derniers le 1er février 2006 avait été en pratique complètement inopérante puisque l’employeur avait déjà décidé de l’emploi à proposer ; que l’employeur avait déjà, le 31 janvier 2006, pris l’initiative de rompre le contrat de travail puisqu’il avait engagé la procédure prévue à cet effet et avait reçu le salarié à un entretien préalable au licenciement ; que l’employeur s’était, d’ailleurs placé, dès cet entretien préalable du 26 janvier 2006, hors tout cadre légal ; qu’en effet, selon les termes du compte rendu écrit signé par le délégué du salarié qui y avait assisté, Jean-Luc Y… et contresigné par Guy Z…, directeur administratif et financier de la société, M. Z… avait « désiré une lettre de M X… comme quoi il refusait tous postes au sein de la société GINEYS » , et il avait été indiqué que « M. X… a prolongé son congé payé jusqu’au 15 février 2006 dans l’attente d’une solution de reclassement. Sans un accord à l’épuisement de ses droits à congés, il se retrouverait en situation d’abandon de poste et ne recevrait plus aucun salaire », alors qu’en application de l’alinéa deux de l’article L. 122-32-5 du code du travail, si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de lui verser, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que les conditions énoncées à l’article L. 122-32-5 n’ont pas été respectées par l’employeur ;
1. ALORS QUE les propositions de reclassement soumises au salarié au vu des conclusions écrites du médecin du travail lors du premier examen médical faisant état d’une inaptitude de ce dernier à son poste antérieur doivent être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ; qu’en l’espèce, il était constant que la proposition de reclassement faite par l’employeur le 4 janvier 2006 était conforme aux conclusions écrites du médecin du travail issues du premier examen médical ; qu’en affirmant cependant que cette proposition était prématurée pour être intervenue avant le second examen médical pratiqué par le médecin du travail, et que l’employeur ne pouvait ainsi tirer aucune conséquence du refus de cette proposition, la cour d’appel a violé les articles L. 122-32-5 alinéa 1er et L. 122-32-7 devenus L. 1226-10 et L. 1226-15 du Code du travail ;
2. ALORS en outre QUE les propositions de reclassement doivent être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement même si elles ont été soumises au salarié, devenu inapte à son poste antérieur à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, avant la consultation des délégués du personnel ; que le retard dans cette consultation ne constitue qu’une irrégularité de procédure qui n’ouvre pas droit à l’indemnité prévue par l’article L. 122-32-7 devenu L. 1226-15 du Code du travail ; qu’en accordant au salarié cette indemnité et en déclarant son licenciement sans cause réelle et sérieuse au prétexte que les propositions de reclassement des 4 janvier et 31 janvier 2006 étaient antérieures à la consultation des délégués du personnel, la cour d’appel a violé le texte précité ;
3. ALORS QUE le reclassement du salarié inapte doit être recherché jusqu’au licenciement ; que les propositions faites postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement doivent donc être prises en compte pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ; qu’en écartant la proposition de reclassement du janvier 2006 au prétexte qu’à cette date, l’employeur avait déjà engagé la procédure de licenciement et reçu le salarié en entretien préalable, la cour d’appel a violé les articles L. 122-32-5 alinéa 1er et L. 122-32-7 devenus L. 1226-10 et L. 1226-15 du Code du travail ;
4. ALORS en tout état de cause QUE l’employeur soutenait être allé au-delà de ses obligations en proposant au salarié le 31 janvier 2006 un emploi de conseiller CRC qui ne correspondait à aucun besoin de l’entreprise ni à un poste d’ores et déjà disponible (conclusions d’appel en réponse, p. 3 ; arrêt, p. 4, § 3) ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ce point, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5 alinéa 1er et L. 122-32-7 devenus L. 1226-10 et L. 1226-15 du Code du travail ;
5. ALORS QU’en retenant que l’employeur s’était placé hors de tout cadre légal dès l’entretien préalable du 26 janvier 2006 dès lors que selon les termes du compte rendu écrit signé par le délégué du salarié qui y avait assisté, Jean-Luc Y… et contresigné par Guy Z…, directeur administratif et financier de la société, M. Z… avait « désiré une lettre de M X… comme quoi il refusait tous postes au sein de la société GINEYS » , et il avait été indiqué que « M. X… a prolongé son congé payé jusqu’au 15 février 2006 dans l’attente d’une solution de reclassement. Sans un accord à l’épuisement de ses droits à congés, il se retrouverait en situation d’abandon de poste et ne recevrait plus aucun salaire », la cour d’appel a statué par des motifs inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5 alinéa 1er et L. 122-32-7 devenus L. 1226-10 et L. 1226-15 du Code du travail ;
6. ALORS en tout état de cause QUE le délai d’un mois à l’issue duquel l’employeur est tenu de reprendre le paiement du salaire en application de l’article L. 122-32-5 alinéa 2 devenu L. 1226-11 du Code du travail court à compter du second examen médical prévu à l’article R. 241-51-1 devenu R. 624-31 du Code du travail ; qu’en l’espèce, le second examen médical ayant eu lieu le 12 janvier 2006, l’employeur n’était pas tenu de reprendre le paiement du salaire avant le 13 février 2006 ; qu’en affirmant que l’employeur s’était placé hors de tout cadre légal en indiquant lors de l’entretien préalable, en contradiction selon elle avec l’article L. 122-32-5 alinéa 2 devenu L. 1226-11 du Code du travail, que « M. X… a prolongé son congé payé jusqu’au 15 février 2006 dans l’attente d’une solution de reclassement. Sans un accord à l’épuisement de ses droits à congés, il se retrouverait en situation d’abandon de poste et ne recevrait plus aucun salaire », la cour d’appel a violé le texte précité.