Comment bien négocier son licenciement avec son employeur ?

Passé l’annonce fort déstabilisante d’un licenciement, il existe quelques reflexes à observer qui faciliteront grandement la tache du salarié dans la phase de négociation de la rupture ou de l’après licenciement.

Il s doivent lui permettre soit de négocier de la façon la plus avantageuse possible une transaction dans le cadre d’une négociation avec l’employeur soit, si aucune solution amiable n’apparait possible, de « préparer ses armes » dans le cadre d’un contentieux prud’homal à venir.

Le salarié dispose ainsi de différents recours et solutions d’accompagnement pour installer un rapport de force intelligent face son employeur.

Il convient ainsi de faire le point sur les reflexes à avoir à l’annonce de son licenciement.

1) Anticiper

Avant même la mise en place effective de la procédure du licenciement, il faut éviter d’être pris en défaut et prendre les choses en amont en répondant systématiquement par écrit sur la base des reproches qui vous sont faits, même oralement.

2) Se préconstituer des éléments de preuves

Boite emails, agendas, rapports d’activités, entretiens annuels avec la hiérarchie, courriers de satisfaction de vos clients, rapports des délégués du personnel ou du Comité d’entreprise pointant des dysfonctionnements imputables à votre entreprise pour des faits qui concernent votre licenciement . gardez une copie de tous les documents qui pourront mettre en relief votre efficacité ou vos bons résultats au service de l’entreprise.

Ils seront essentiels surtout si votre licenciement est de nature disciplinaire ou lié à une insuffisance professionnelle ou de résultat.

La jurisprudence de la cour de cassation a façonné un véritable régime d’immunité pour le salarié qui capte, même sans en informer l’employeur des documents internes à l’entreprise, pour les réutiliser pour sa défense dans un litige prud’homal et ce à condition qu’il est eu connaissance de ces documents dans l’exercice de ses fonctions. (cf. Cass. Crim., 15 juin 2011, n° 10-85079)

En revanche, aucun enregistrement vocal de votre ancien employeur réalisé à son insu, même particulièrement compromettant, ne pourra être recevable comme preuve devant le conseil de prud’hommes, l’enregistrement étant alors jugé comme déloyal et donc irrecevable.

Par ailleurs, toutes attestations de salariés ou de clients de votre entreprise qui mettraient à mal la position de votre employeur sont des éléments de preuves particulièrement redoutables.

Il faudra à ce titre penser à faire rédiger ces attestations de façon manuscrite et dans la forme de l’article de l’article 202 du code de procédure civile sans quoi leur recevabilité pourra être aisément contestée par votre employeur.

(cf: https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_11527.do)

3) Vous faire assister en cas de procédure de licenciement engagée

Votre employeur ne doit pas avoir pris la décision de votre licenciement avant l’entretien préalable au licenciement puisqu’en vertu des dispositions du Code du travail, il est tenu d’indiquer lors de cet entretien le ou les motifs du licenciement envisagés et recueillir les éventuelles explications du salarié avant de prendre une décision définitive.

Vous n’êtes pas dans l’obligation de vous présenter à cet entretien mais il s’agit d’une opportunité d’exprimer votre point de vue et de vous défendre face à des éléments qui vous sont reprochés.

Pour préparer cet entretien, notez tous vos derniers échanges avec l’entreprise qui pourraient vous être utiles et lister vos arguments et l’interprétation des faits que vous pensez être ceux fondant le licenciement.

Dans les entreprises de plus de 20 salariés, les représentants du personnel sont vos interlocuteurs privilégies en cas de licenciement.

Salariés eux-mêmes de leur entreprise, ils ne bénéficient toutefois pas toujours d’une réelle indépendance vis-à-vis de l’employeur.

Si vous travaillez dans une entreprise de moins de 20 salaries, pensez à faire appel au « conseiller du salarié ». Indépendant , souvent issu d’une organisation syndicale, il intervient uniquement à la demande du salarié à partir d’une liste dressée dans les mairies et à la Direccte (Direction du Travail et de l’Emploi) de votre région.

Le représentant du personnel ou le conseiller du salarié doit obligatoirement vous assister durant l’entretien préalable au licenciement si vous en faites la demande, il s’agit là d’une condition de validité du licenciement.

L’employeur ou son représentant doit être présent. Il peut être accompagné d’une autre personne appartenant à l’entreprise susceptible d’apporter des éléments de fait dans la discussion.

4) Obtenir le maximum d’explications sur la cause de votre licenciement.

Au cours d’un débat contradictoire, vous-même et la personne qui vous assiste pouvez demander des explications, présenter des observations, faire des suggestions.

Lors de l’entretien préalable, le délégué du personnel ou le conseiller salarié seront amenés également à poser des questions à votre employeur sur les motifs du licenciement envisagé.

Ces questions comme les réponses de votre employeur ainsi que vos observations doivent être notées par écrit par le conseiller du salarié ou le représentant du personnel qui vous assiste.

Vous aurez ensuite en cas de contentieux le droit de produire aux débats le compte rendu écrit de cet entretien.

Or, cette pièce peut parfois s’avérer déterminante spécialement dans le cas où les motifs exposés lors de cet entretien préalable ne sont pas ceux que vous retrouvez dans le corps de votre lettre de licenciement.

5) Engager sans tarder un rapport de force

Vous contestez fermement les motifs évoqués par votre employeur lors de l’entretien préalable que vous considérez comme infondés. Faites-lui savoir sans attendre même votre lettre de licenciement.

Un rapport de force doit s’instaurer, mais attention également au contexte de travail qu’il faut tenter de préserver et qui se dégradera inévitablement si un conflit ouvert intervient avec votre employeur.

Vous pouvez également préférer attendre de lire les motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui « fixent les limites du litige » pour les contester et pointer dès ce stade des incohérences ou des imprécisions dans les motifs qui sont énoncés par l’employeur.

Cela n’amènera pas forcement votre employeur à revenir sur sa décision de vous licencier, mais le contraindra à vous répondre et donner des précisions sur des points qu’il ne souhaitait pas forcement aborder et qui vont sont favorables.

6) Se faire épauler par un ou plusieurs professionnels

Vous n’êtes pas obligé de recourir à un avocat si bien que vous pouvez par exemple faire appel à un représentant syndical dans l’entreprise qui vous assistera au cours de la procédure.

Vous pouvez aussi vous défendre seul mais en pratique il est tres compliqué de se trouver face votre employeur; conseillé par son avocat, qui risque de tout faire pour vous déstabiliser ou contester votre version des faits.

En outre, une procédure de licenciement, tout comme l’ action judiciaire devant le conseil de prud’hommes, implique un formalisme important , un langage et des règles de procédure dont il est très difficile de maîtriser toutes les subtilités lorsqu’on n’est pas un professionnel du Droit.

Aussi et pour éviter les erreurs de procédure et rétablir « l’ égalité des armes », faites vous assister d’un avocat en droit social, seul véritable expert en matière de négociation ou de contestation d’un licenciement.

Avantage non négligeable, votre avocat respecte dans ses échanges avec l’avocat de votre employeur des règles de déontologie strictes dont celle de la confidentialité.

Cette confidentialité donnée à l’ensemble des échanges entre avocats facilite en pratique grandement la négociation, sans craintes pour les parties que leurs dires ne se retrouvent devant le juge si la négociation n’aboutissait pas.

Par ailleurs, sur un plan personnel, l’annonce d’un licenciement peut revêtir un véritable choc émotionnel, une blessure narcissique profonde qui ne doit pas être négligée en ce qu’elle peut entrainer des effets sur la santé (tension artérielle, trouble de l’humeur, dépression, insomnies, pleurs, perte de poids…)

A l’apparition de ces symptômes, il peut être nécessaire de voir médecin et si besoin d’envisager un soutien psychologique régulier avec un professionnel formé en psychologie du travail.

7) Eviter autant que possible tout comportement agressif à l’encontre de son employeur

Même si votre licenciement est confirmé à l’issue de l’ entretien préalable, partez la tête haute en évitant toute invective ou menace à l’encontre de votre (ancien) employeur.

Votre réseau professionnel doit être préservé, pensez à vos futurs entretiens d’embauche et au fait que vos nouveaux recruteurs auront dans l’idée de contacter votre ancien employeur.

Veillez donc à vous mettre d’accord avec votre employeur sur la « communication » qui sera faite sur votre licenciement auprès des équipes. Demandez-lui ce qu’il a l’intention de dire à vos collègues et de quelle manière exigez autant que possible que votre employeur s’engage sur une certaine neutralité vis à vis de vos futurs employeurs.

Ce « pacte de non agression » facilitera également grandement la phase de négociation qui peut alors s’engager sur une transaction financière liée à la rupture de votre contrat.

8) Faites rapidement valoir vos droits

La loi de sécurisation de l’emploi adoptée en 2013 réduit le délai le prescription de l’action en contestation du licenciement à 2 ans, au lieu de 5 ans jusqu’alors. (article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail) et à 3 ans pour les rappels de salaire.

Mieux vaut toutefois agir sans tarder et engager avec votre avocat la procédure dans les meilleurs délais, la procédure étant assez longue ( compter entre 9 mois et 18 mois de procédure selon les conseils de prud’hommes concernés par votre saisine et ce, sauf appel de la décision…)

Vérifiez les solutions d’accompagnement auxquelles vous avez droit

En cas de licenciement pour motif économique dans une entreprise de plus de 1000 personnes votre employeur doit vous proposer un congé de reclassement qui ressemble de près à une solution d’outplacement.

Si vous êtes salarié d’une entreprise de moins de 1000 personnes, vous avez droit au dispositif d’accompagnement très favorable du CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle) qui vous permettra de garder des indemnités chômage pendant un an au niveau de votre salaire net avant de basculer sur le régime classique des demandeurs d’emplois.

Vérifiez que les démarches ont été faites auprès du Pole Emploi

Quel que soit le motif de votre licenciement, faites en sorte d’avoir droit aux indemnités du Pole Emploi en vous faisant confirmer que l’employeur a bien transmis sans délai l’attestation Pole Emploi à l’organisme compétent afin d’éviter tout délai de carence dans le versement des indemnités par le Pole Emploi.

9 ) Négocier une transaction après licenciement.

La transaction prend la forme d’un contrat écrit prévu par l’article 2044 du code civil qui met fin à une contestation, ou prévient une contestation à naître.

Ainsi, chacune des parties fait des concessions par lesquelles elles mettent fin au litige sans reconnaître ni le bien-fondé des arguments respectifs , ni les prétentions de l’autre partie.

La transaction peut aussi porter sur une demande liée à l’exécution du contrat de travail comme l’attribution d’une prime ou la levée d’une clause de non concurrence par exemple. En pratique, l’employeur verse au salarié, à titre de concession, une somme d’argent inférieure au montant de ses demandes.

La concession du salarié résulte de l’abandon du surplus de ses prétentions et si une procédure est engagée, de son désistement de l’instance prud’homale en cours.

A ce stade, seul l’employeur a la faculté d’entamer des négociations après un licenciement lorsque ce dernier n’a pas jugé utile, avant de le licenciement, de proposer une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Si le salarié n’a évidement aucun pouvoir décisionnel en la matière, il peut habillement faire savoir à son employeur qu’il a à sa portée des pièces qui mettent à mal la justification de son licenciement.

Dès lors, quand une transaction financière est envisagée dès votre licenciement notifié, c’est que l’employeur, souvent bien conseillé, sait que son licenciement a de fortes chances de ne pas être validé par le conseil de prud’hommes.

Il n’est pas aisé de savoir sur quel montant transiger à ce stade avec votre employeur car il s’agit là de prendre en compte le préjudice du salarié résultant de la rupture de son contrat de travail tout en gardant à l’idée que la transaction est l’expression de « concessions réciproques » entre les parties.

Plusieurs éléments sont alors à prendre en considération tels que son ancienneté dans l’entreprise, son âge et plus généralement évaluer les difficultés qui vont être celles du salarié à retrouver un emploi à un salaire équivalent.

Il n’existe aucune grille légale spécifique pour évaluer son préjudice mais le code du travail donne à l’article L.1235-3 une indication importante, un curseur pour les salariés bénéficiant d’au moins deux ans d’ancienneté dans l’entreprise dans un entreprise d’au moins 11 salariés.

Dans leur cas, le licenciement injustifié donne droit selon ledit article à un minimum de six mois de salaire brut pour deux ans d’ancienneté.

Il faut par ailleurs distinguer de l’indemnité transactionnelle, les indemnités légales qui s’imposent à l’employeur à savoir, l’indemnité légale de licenciement , le préavis qui peut aller jusqu’à trois mois ou plus pour les cadres ainsi que le reliquat des congés payés non pris.

A l’autre extrémité, les indemnisations prononcées par les juridictions pour des salariés bénéficient d’une ancienneté très importante dans l’entreprise peuvent aller jusqu’à deux ans de salaire bruts.

Seul un Conseil avisé et expert en droit social pourra vous aider à cibler précisément l’indemnisation acceptable au stade de cette négociation.

Ce dernier vous conseillera également sur la possibilité de garder certains avantages matériels durant votre préavis (téléphone et ordinateur portables, voiture de fonction) ou vous informera sur la portabilité de vos droits à la prévoyance santé.

Par ailleurs, les solutions d’accompagnement ( bilan de compétences, outplacement, coaching de carrière pour les cadres supérieurs) peuvent se négocier en plus d’une indemnité financière.

Enfin, le fait de ne pas effectuer son préavis ou de faire supprimer ou limiter par accord la clause de non concurrence fait aussi partie de la négociation à mener avec votre employeur.

10) Engager une procédure devant le Conseil de prud’hommes dans l’attente d’une éventuelle transaction

La négociation piétine, vous jugez les propositions de votre employeur insatisfaisantes…

Inutile alors de perdre trop de temps à négocier.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, la saisine du conseil de prud’hommes ne signifie pas l’arrêt des négociations ou l’impossibilité de transiger une fois le conseil de prud’hommes saisi.

Bien au contraire, la saisine du conseil de prud’hommes et la convocation adressée à votre employeur avec vos demandes indemnitaires chiffrées permet à ce dernier d’être confronté de façon concrète au risque d’une condamnation judiciaire importante.

Par ailleurs, le lancement de la procédure permet de « prendre date » et accélère bien souvent en pratique les pourparlers pour une transaction qui peut aboutir même après l’audience de conciliation, jusqu’à la date prévue pour les plaidoiries des avocats.

Maître JALAIN

Avocat en Droit du Travail

En savoir plus : https://www.avocat-jalain.fr